A Contre Courant : Bien creusé, vieille taupe !




Chaque mois, le mensuel Alternative libertaire reproduit l’édito de la revue alsacienne À Contre Courant, qui de son côté reproduit l’édito d’AL. Pour contacter ces camarades : ACC, BP 2123, 68060 Mulhouse Cedex.


Ce qui vient de s’effondrer à Bagdad, ce n’est pas d’abord le régime de Saddam Hussein. Soutenu par les États-Unis dans les années 70-80 pour servir ses intérêts régionaux, une partie de celui-ci va être recyclé pour servir aux mêmes fins. Ce qui vient brutalement de s’effondrer en revanche, c’est l’idée d’un capitalisme capable d’ouvrir un espace de discussion avec ses adversaires ; c’est le projet d’une régulation interne du système entre ses courants antagoniques, c’est l’éternelle illusion social-démocrate d’une négociation contractuelle entre les classes sociales. Alors que le capitalisme ne négocie pas par principe, mais uniquement sous la contrainte du mouvement social.

Or à quelque niveau que ce soit, la classe dominante n’est plus disposée à négocier -ou même simplement à faire mine de négocier. Elle administre ses décisions arbitraires et unilatérales, menace les récalcitrants et sanctionne brutalement les réfractaires.

On l’a vu en Irak où l’appareil d’Etat américain a foulé aux pieds la légalité internationale, tourné en ridicule les Nations unies (cette « femme de ménage » de la mondialisation) et les puissances étatiques qui s’en prévalaient ; mais surtout craché à la gueule du monde entier son mépris des dizaines de millions de manifestants qui obstinément ont défilé contre cette guerre. On le voit, dans le contexte national de la réforme des retraites, où les deux têtes à claques de la droite (la gouvernementale et la patronale) nous matraquent de leur sempiternel « Toujours plus » pour le Capital ! « Toujours plus » dans l’exploitation des salariés !

Leur projet s’inscrit dans l’offensive continue contre le salariat et vise à poursuivre la démolition de l’une de ses dernières conquêtes sociales. La précarité et la pauvreté que subissent aujourd’hui les jeunes travailleurs (salaire de misère, statut de galère), c’est le sort que réservent aux vieux travailleurs les ordures du MEDEF qui braillent leur exigence d’un allongement infini de la durée du temps de travail et d’une baisse des pensions.

Rumsfeld à Washington, Seillière et Chirac à Paris, Blair à Londres, Aznar à Madrid ou Berlusconi à Rome, la classe dominante affiche dans toutes les capitales du monde le même rictus de l’arrogance et du mépris ; elle y mène partout, sans complexe ni retenue, la même politique antisociale. Et elle le peut, car il est vrai qu’au cours des ces dernières décennies, une partie du mouvement social s’est laissée bercer par les chimères social-démocrate d’une voie négociée et de compromis avec le Capital.

Les développements de ces dernières semaines auront au moins eu le mérite de dévoiler le capitalisme tel qu’il est : belliqueux et cupide. Ils auront permis de dégriser ceux qui avaient cru à la promesse d’un capitalisme à visage humain, que seuls la bêtise d’abrutis avérés ou le cynisme d’infâmes opportunistes peuvent encore défendre.

Marx citait ce vers de Shakespeare : « Bien creusé, vieille taupe », pour rappeler que l’histoire sociale agit autant de manière souterraine que visible, et que les triomphes de surface préparent parfois les effondrements du lendemain. Le projet de la social-démocratie d’un capitalisme à visage humain a été enterré dans les sables irakiens, sous les chenilles des blindés du capitalisme réellement existant. Il nous appartient aujourd’hui de ne pas laisser retomber la dynamique des manifestations de cet hiver et de poursuivre le travail de mobilisation sur des bases clairement anticapitalistes. Dans la lutte nationale contre le démantèlement du régime de nos retraites ! Dans la mobilisation internationale en juin à Evian contre le G8 !

 
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