A contre-courant : Vous avez dit trahison ?




Chaque mois, le mensuel Alternative libertaire reproduit l’édito de la revue alsacienne À Contre Courant, qui de son côté reproduit l’édito d’AL. Pour contacter ces camarades : ACC, BP 2123, 68060 Mulhouse Cedex.


Le débauchage auquel Sarkozy se livre, depuis son élection (il a même commencé avant, le bougre), dans les rangs de la « gauche » et notamment du PS a conduit les principaux leaders de ce dernier à traiter leurs anciens camarades de traîtres et de renégats. Mais qui ont-ils ou qu’ont-ils trahi exactement ?

Généralement l’ampleur d’une trahison se mesure à la surprise qu’elle crée et au gain qu’en retire le traître. Or, si l’événement a fait la une de médias qui ne se nourrissent plus que de l’écume du fleuve de l’histoire et qui font mousser n’importe quelle tempête dans un bénitier, il faut avouer qu’il n’a pas été une surprise pour tous ceux qui ont suivi de près l’évolution de tous ces personnages depuis des lustres. Et quant à la portée de l’événement, la médiocrité de sinécures offertes aux uns et aux autres en donne l’exacte proportion.

Si les « traîtres » n’ont pas retiré grand bénéfice de leur allégeance à celui qu’il feignait de combattre la veille encore, c’est aussi que l’opération ne leur a pas coûté grand-chose non plus. Depuis que la gauche à vocation gouvernementale, PS en tête, s’est mise à dériver à droite et à rivaliser avec cette dernière, au gré des alternances et des cohabitions successives, dans l’art et la manière d’administrer au peuple l’amère potion néolibérale, la distance qui l’en sépare s’est de plus en plus réduite, pour finir par avoisiner l’épaisseur d’une feuille de papier hygiénique de médiocre qualité.

Et l’on pourra en juger dès demain, en voyant les soi-disant traîtres continuer à faire au service de la vraie droite ce qu’ils faisaient déjà dans les rangs de la fausse gauche. Par exemple, un Bockel continuer à prêcher des homélies démocates-chrétiennes au regard desquelles le néolibéralisme social d’un Jospin, d’un Schröder ou d’un Blair en ferait presque les dignes héritiers de la bande à Bonnot.

En somme, si trahison il y a eu, elle ne date pas d’hier et n’a pas été le fait des seules brebis galeuses que le berger « hollandais » et sa « royal » bergère stigmatisent aujourd’hui. C’est une trahison collective de l’ensemble de la gauche gouvernementale, remontant aux années Mitterrand, qui, de compromissions honteuses en renoncements tapageurs, a ouvert la voie aux médiocres opérations de débauchage auxquelles nous venons d’assister. Lesquelles en préfigurent sans doute d’autres dans les semaines et mois à venir, notamment à l’approche des élections municipales. La seule chose qui ait été trahie, c’est l’apparence que la gauche gouvernementale soit encore autre chose qu’une seconde droite ; apparence qui n’était plus qu’un secret de Polichinelle que la rue de Solferino avait de plus en plus de mal à garder.

En somme, les « camarades socialistes » ou apparentés récemment ralliés à l’étendard sarkozyste ne sont que les sous-produits en fin de vie d’une entreprise politique elle-même en fin de course. Car il en est de la vie politique comme de l’industrie : on n’y recycle en définitive que les déchets.

 
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