Argentine : Malgré les divisions, la FOB continue la lutte




Le mouvement social argentin est en permanence traversé par des débats et des divisions sur la tactique à adopter. Dernier exemple en date, une scission au sein de la fédération des organisations de base dans un contexte de campagne électorale présidentielle. La FOB autonome, qui participe en ce moment à une tournée de meetings en France organisée par l’UCL, entend maintenir l’indépendance de classe.

Après près de deux ans de discussions internes, la Fédération d’organisations de base (FOB) se sépare en deux. En octobre, une partie a décidé de rejoindre la Confédération des travailleurs de l’économie populaire (CTEP), une coordination d’organisations piqueteras  [1] à majorité péroniste avec, dans ses rangs, des coopératives, des collectifs de travail ou des travailleurs et des travailleuses de l’économie dite populaire ou informelle, qui sont en majorité destinataires de programmes sociaux de l’État. La CTEP souhaite être reconnue institutionnellement par l’État comme un syndicat et demander ainsi son intégration à la CGT, la plus grande centrale syndicale argentine, verticale, bureaucratique et quasi-mafieuse.

La FOB-CTEP estime nécessaire de s’unir aux grandes organisations piqueteras (représentant environ 90% des piqueterxs) pour participer à un rapport de force, permettant de peser sur les politiques publiques. Elle considère que cette alliance ne concerne que la question revendicative, c’est-à-dire obtenir des ressources auprès de l’État, mais qu’elle ne remet pas en question les principes historiques de la FOB en ce qui concerne son orientation politique.

La FOB de Buenos Aires pense au contraire que la question revendicative va de pair avec la question politique insistant sur le fait que rejoindre un syndicat dirigé par des péronistes équivaut à perdre son autonomie et son indépendance politique. La CTEP a également soutenu le candidat péroniste Alberto Fernandez victorieux à l’élection présidentielle du 27 octobre dernier et il y a une forte probabilité que certains de ses dirigeants intègrent le ministère des Affaires sociales. Enfin, un des leaders de la CTEP est la «  voix  officieuse du Vatican dans les affaires sociales argentines.

Face à ce danger d’institutionnalisation et de bureaucratisation, la FOB de Buenos Aires a décidé de se constituer en «  FOB autonome  » et de prioriser la coordination et l’alliance avec les organisations piqueteras «  combatives  ». Elle réaffirme sa stratégie de développement territorial, dont les activités ne se limitent pas seulement à la question du travail mais visent à prendre en compte toutes les situations de domination ou d’oppression.

Le piège institutionnel

Une autre critique adressée par la FOB autonome concerne la conception même d’«  économie populaire  », telle que mise en avant par la CTEP. Nous pensons qu’elle cristallise la précarité et l’institutionnalisation des exclues, les enferme dans ce statut et nous n’y voyons pas de perspective d’émancipation et de transformation sociale anticapitaliste.

Cette récente scission de la FOB se déroule dans un contexte politique marqué par la polarisation entre la droite qui était au pouvoir et les péronistes qui viennent d’y accéder. Dans ce cadre, toutes les organisations piqueteras traversent ou ont traversé des situations similaires de recomposition sociale et politique. C’est une des caractéristiques de la vie politique argentine. Rien n’est définitif, les contradictions entre les attentes que suscitent un nouveau gouvernement et son incapacité à résoudre la pau­vreté structurelle, risque fort de faire éclater la CTEP, qui est une coalition d’organisations.

La FOB autonome quant à elle «  continue de construire et à lutter pour un changement social féministe, anticapitaliste, antiraciste, anticolonial et antipatriarcal, depuis la base et toujours avec indépendance de classe  » [2].

Fabrice (FOB autonome)

[1Le mouvement «  piquetero  » tire son nom de la pratique du blocage des routes par des piquets de chômeurs et de chômeuses.

[2Communiqué FOB Autonome, octobre 2019

 
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