Biodiversité : Des normes environnementales contre la destruction par le capital

Le 26 janvier, Gabriel Attal a rappelé que l’Office français de la biodiversité (OFB) devait être sous la tutelle des préfets. En réalité, il s’agit-là d’une communication politique bien rodée qui cherche à désigner l’Office comme étant à l’origine des problèmes du monde agricole, par son activité de contrôle des normes environnementales. Pourtant, ce sont les agro-industriels et le capitalisme extractiviste qui exploitent, appauvrissent et détruisent l’environnement tout en rognant sur la qualité des conditions de travail.
L’Office français de la biodiversité a pour mission d’assurer un suivi de la biodiversité sur tout le territoire. Il étudie les menaces que constituent l’artificialisation des sols, les pollutions de toutes sortes, la surexploitation des ressources, ainsi que par exemple les espèces exotiques envahissantes. L’activité des personnes travaillant à l’OFB se déploie dans tous les milieux naturels, aussi bien marins que terrestres. Ils et elles assurent un rôle de contrôle administratif, et une mission de police judiciaire, afin de relever les infractions au Code de l’environnement relatives à l’eau, aux espaces naturels, à la flore et à la faune sauvage, à la chasse et à la pêche. Sur le terrain, leur intervention a pour nom « police de l’environnement ».
Entre nécessité et mépris politique
Une des attributions de l’OFB est donc de contrôler le respect des normes environnementales, notamment sur les exploitations agricoles. Or, depuis plusieurs années, les agentes et agents de l’OFB sont régulièrement agressées dans l’exercice de leur mission par des exploitants agricoles exaspérés par les normes, de manière générale. Parfois, ce sont leurs bureaux et leur matériel qui sont saccagés : 90 agissements de ce type ont été décomptés depuis fin 2023.
Pourtant, les problèmes de dégradation de l’environnement et d’atteintes aux écosystèmes naturels dans une partie de la production agricole sont réels. Cette façon de travailler, les agriculteurs et agricultrices en souffrent déjà, physiquement et moralement. Elle va parfois contre leurs propres valeurs. Ajoutons à la liste la difficulté, pour plusieurs agriculteurs et agricultrices, de générer un revenu pour vivre. Mais ces questions sociales et environnementales sont savamment détournées par des syndicats agricoles qui participent eux-mêmes à ce système agro-industriel qui étrangle bon nombre d’agriculteurs et d’agricultrices, à travers des coopératives mafieuses, des prêts bancaires sans fin, et où l’argent coule à flot pour une minorité de gros exploitants.
Le problème, ce ne sont pas les personnes travaillant pour l’OFB, qui ne servent que de bouc-émissaires. D’ailleurs, l’Office manque plutôt de moyens pour ses missions, et ce sont moins de 1 % des exploitations agricoles qui sont contrôlées chaque année. Les propos de Gabriel Attal, le 26 janvier, déclarant que l’Office français de la biodiversité serait mis sous la tutelle des préfets, plutôt que celui du ministère de la Transition écologique, est un nouveau signe d’abandon du peu de politique environnementale réelle de l’État, qui capitule devant des intérêts économiques et financiers.
À l’appel de leur intersyndicale, les agents et agentes de l’OFB étaient donc en grève le 31 janvier, et se sont rassemblées devant plusieurs préfectures pour dénoncer l’absence de soutien de la part du gouvernement, face à des syndicats agricoles qui multiplient les intimidations à leur encontre.
L’agrobusiness détruit les terres et les mers
Le secteur agricole est en crise, et la faiblesse des revenus de beaucoup d’agriculteurs et agricultrices est une réalité sociale. Mais ce n’est pas en supprimant l’OFB, comme le propose certains politiciens, par pure démagogie, que ces questions cruciales seront résolues. Les agriculteurs et agricultrices sont pris dans un système aberrant et oppressant, qui les pousse à une fuite en avant productiviste et délétère pour l’environnement ; voire, à des actes désespérés contre eux-mêmes et elles-mêmes.
Le responsable, c’est le système capitaliste dans lequel est enfermé le secteur agro-alimentaire. Nier cette réalité et détourner l’attention contre les personnes qui tentent de défendre la biodiversité, la qualité des sols et de l’eau, c’est attendu des politiciens, mais lâche et inconséquent pour le futur. Faisant figure de défouloir de toutes les frustrations, l’OFB a ainsi été désignée à la vindicte et à la brutalité d’une minorité. Il s’agit d’une nouvelle instrumentalisation... dont l’approche des élections pour les chambres d’agriculture n’était sûrement pas étrangère.
Nous devons lutter contre le populisme et la démagogie politique dans les campagnes, et pour commencer, notre soutien doit être plein et entier aux agentes de l’OFB, dont les missions doivent être renforcées. C’est non seulement un combat pour une alimentation de qualité, pour notre santé, mais aussi pour défendre la biodiversité dans des écosystèmes préservés, qui constituent notre bien commun. L’industrialisation de l’agriculture a supprimé des centaines de milliers de paysans et paysannes dans les campagnes. Par nécessité écologique, il faut diminuer l’usage des engrais, des pesticides et autres procédés industriels : cela signifiera donc davantage de bras pour travailler à la campagne. Le chemin peut sembler long et difficile pour retrouver une agriculture paysanne au xxie siècle, mais c’est la seule voie possible pour l’avenir et empêcher le capitalisme de se développer pour détruire encore plus nos ressources pour l’unique profit d’une bourgeoisie prédatrice.
Yann (UCL Nantes)
Les normes environnementales, les fausses ennemies
Agrandissement, modernisation et productivisme sont devenus, en quelques décennies, les maîtres mots de l’agriculture. Le monde paysan y a perdu son autonomie et son âme. Banques, firmes agrochimiques, coopératives en mode capitaliste, fabricants d’équipements en tout genre, la soumission à ce système s’est réalisée au prix d’un endettement sans fin.
Accompagnant cette mise sous tutelle, une surenchère de normes sont imposées par l’administration, et c’est un outil d’assujettissement des agriculteurs et agricultrices à la logique industrielle. Ces contraintes économiques et ces normes de gestion, techniques, sanitaires ont transformé le travail rendant caduque l’organisation collective du travail et bouleversé le rapport à la terre, à la nature.
La bureaucratisation de la profession, à travers ces exigences administratives et ces normes obligatoires (car c’est de celles-ci que dépendent l’octroi de subventions), a eu pour effet de renforcer la dépendance des agriculteurs et agricultrices aux syndicats agricoles pour se faire guider et accompagner, et les tournant de facto encore davantage vers les Jeunes Agriculteurs (JA) et la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA).
Ainsi, le rejet des normes environnementales, dont l’OFB est le symbole, s’inscrivent dans un cadre global où toute les fautes se voient rejeter sur « les normes ». Mais si le système qui oppresse le monde agricole est complexe, les raccourcis sont hasardeux et il ne faut pas se tromper de combat : le capitalisme et l’agro-industrie.





