Budget 2026 : L’art de l’enfumage gouvernemental

Attente interminable, démission éclair, re-nomination, tractation… La séquence politique de ces dernières semaines était ridicule, mais a aussi servi d’écran de fumée à un budget d’une extrême violence sociale.
Les blagues n’ont pas manqué sur le ridicule de la séquence gouvernementale de ces dernières semaines. Délais absurdes pour nommer un gouvernement finalement démissionné en moins de 24h, au prétexte que le petit Retailleau boudait dans son coin. Renomination éclair d’un Lecornu se disant « moine-soldat »… Une succession d’événements aussi ridicule que pathétique.
La séquence a tout de même fait émerger une chose intéressante : un élargissement de la critique de l’État au-delà des sphères militantes habituelles. Car malgré ces semaines entières sans gouvernement stable, à l’évidence, la société a continué de tourner. Mieux : ce fut presque un répit, sans annonces antisociales catastrophiques. Le signe que l’on vivrait sûrement très bien, voir mieux, sans gouvernement ni président. Et pourquoi pas, sans État ?
Mais au-delà de ces considérations, il ne faut pas être naïf. Bien qu’il soit tentant d’expliquer ces évènements par la stupidité de nos dirigeants, en réalité il s’agissait probablement plutôt pour eux de gagner du temps, avec un double agenda : se maintenir au pouvoir aussi longtemps que possible, et approcher au maximum de la fin de l’année, pour mettre l’Assemblée nationale sous pression concernant le vote du budget. Une tactique confirmée par l’annonce surprise de Lecornu : la possible suspension de la réforme des retraites, sensée être un argument massue dans les négociations.
Si on peut se féliciter de ce qui est avant tout le résultat d’un mouvement social au long court, qui a imposé le sujet des retraites comme central, il faut là aussi être prudent. Déjà parce qu’on ne nous annonce pas une abrogation de la réforme, mais l’éventuelle possibilité d’une suspension temporaire… Certes, elle bénéficierait à quelques centaines de milliers de travailleurs et travailleuses qui gagneraient quelques mois de retraites, mais cela resterait une miette par rapport à nos revendications. Et une miette conditionnée au vote du budget.
Et c’est là qu’est l’arnaque : adossé à cette caution sociale – qui n’a convaincu que le PS, ce devrait être un indice – le gouvernement nous présente un budget d’une austérité record. La nature antisociale du projet est limpide et d’un cynisme rare : les économies se feront sur le dos des pauvres, des malades et des étrangers et étrangères. Baisse des pensions de retraites, gel des aides sociales, augmentation des frais de justice – qui compliquerait notamment le recours aux prud’hommes –, augmentation des franchises médicales, moins bonne prise en charge de certains arrêts maladie – notamment pour dépression –, augmentation des frais des titres de séjours et des naturalisations… Derrière le fin nuage de fumée de la suspension de la réforme des retraites, c’est un ouragan fait des pires fantasmes des capitalistes qui se cache.
Il faut se rendre à l’évidence : la rentrée sociale n’était qu’un échauffement. Face à l’acharnement du gouvernement, il faudra continuer à nous organiser, à nous mobiliser, et maintenir la pression !
N. Bartosek (UCL Alsace)





