Ecologie

Canal Seine Nord Europe Méga canal, méga scandale




Le week-end du 11 au 12 octobre, les Soulèvements de la terre et Méga canal non merci appellent à une nouvelle date de mobilisation nationale à Compiègne dans l’Oise : Méga canal, méga scandale. On fait le point sur la contestation contre ce projet de Méga canal, qui ne semble avoir pour perspective que des conséquences néfastes sur l’environnement pour le plus grand plaisir des capitalistes !

À l’origine de cette mobilisation, on retrouve un projet de construction d’un canal gigantesque (Canal Seine Nord Europe) sur trois départements : l’Oise, la Somme et le Nord. Un territoire où un réseau fluvial existe déjà et a autrefois appuyé le développement de l’industrie. Un des principaux canaux de ce réseau, le canal du Nord, présente déjà à son inauguration en 1965 un désavantage structurel : il ne peut accueillir de péniches de plus de 900 tonnes là où le reste du réseau entre Paris et ­Rotterdam est prévu pour aller jusqu’à 2 000 tonnes. Mais il est pensé pour être agrandi et mis à niveau. Aujourd’hui, dans une région marquée par la désindustrialisation et les délocalisations, il est désinvesti et subit de plein fouet l’abandon de l’entretien du réseau. Le méga canal, pensé comme une solution à ce problème, prévoit en fait de creuser un nouveau canal bien plus gros le long de l’existant, plutôt que de ­l’agrandir.

Le canal Seine Nord Europe est un projet estimé à 10 mil­liards d’euros d’argent public, financé par l’Union européenne d’un côté et par les collectivités de l’autre. Le maître d’ouvrage est piloté par un conseil de surveillance présidé par Xavier Bertrand, chef de la région Hauts-de-France. C’est un marché immense qui s’ouvre pour l’industrie du BTP, de la logistique (qui va pouvoir s’implanter hors d’Ile-de-France, saturée en entrepôts), mais aussi pour les ports du Nord, de Dunkerque à ­Rotterdam, qui vont pouvoir récupérer un accès à Paris en évitant de dépendre du Havre, encombrant à cause de ses syndicats de dockers. Ces agents privés, pour qui les intérêts sont indiscutables, exercent une forte pression sur les instances d’organisation. En réalité le projet ne répond pas aux enjeux réels du développement du fluvial. Il est prévu pour permettre le développement du transport de containers mais dans les faits, le réseau auquel il est rattaché (notamment en Ile-de-France) n’a pas les infrastructures suffisantes. Cela revient à construire une autoroute entre deux chemins de terre. C’est une véritable mal-adaptation aux exigences de la crise climatique, motivée par des intérêts financiers et politiques en décalage avec les réalités du territoire. 

Des conséquences désastreuses pour le territoire

Pour une longueur de 107 kilomètres, les prévisions de l’impact du canal sur le territoire battent tous les records. Côté emprise sur les terres, la construction du lit du canal, des berges, et des infrastructures associées (ports et entrepôts) impliquent l’artificialisation de jusqu’à 5 000 hectares de terres cultivables. La matière déplacée dépassera, elle, celle du tunnel sous la Manche. Pour l’alimentation en eau, il est prévu la construction d’une méga bassine de 42 mètres de haut, équivalente à 22 fois celle de Sainte-Soline en plein milieu de la campagne Picarde. Le gigantisme de l’installation et les prédictions de l’impact sur la ressource hydrique qui datent de plusieurs dizaines d’années poussent à craindre des prélèvements en eau supérieurs à ce que le milieu peut fournir aujourd’hui avec la crise climatique. À tout cela s’accompagne la destruction de milieux naturels abritant près de 300 espèces protégées que les « compensations environnementales » règlementaires ne sauraient pallier. 

Le collectif Méga canal non merci écrit dans son communiqué du 6 juillet 2025 : « Alors que le nombre de bateliers a été divisé par 8 en 50 ans et que le réseau fluvial est laissé à l’abandon, au moins 8 milliards d’euros (UE, collectivités, État) seraient dépensés pour le CSNE ».
Source : Méga canal non merci

Si le projet nécessite un aménagement démesuré du territoire, il est néanmoins présenté comme un élément central de transition écologique. En effet, qui pourrait s’opposer au développement du transport fluvial, une alternative décarbonée au routier ? C’est pourtant une vision globale qu’il faut avoir : les promoteurs prévoient une explosion du trafic routier avec la construction du canal dont le fluvial ne saurait absorber que 12 %. Cet argument omet aussi la grande dépendance des péniches au transport routier qui persisterait. Une dépendance bien supérieure à celle du fret ferroviaire qui se présenterait, lui, comme une alternative sérieuse.

Se mobiliser face au capitalisme logistique

Mais au-delà des impacts environnementaux, c’est aussi des questions sociales qui sont soulevées. D’un côté les bateliers font face au manque de perspectives de leur profession. Alors que le transport fluvial est progressivement délaissé depuis la désindustrialisation, le méga canal leur est présenté comme une solution de redéveloppement. Pour la plupart, petits propriétaires de leurs péniches, ils et elles entreraient dans une logique de concurrence qui favorisera la captation du marché par les gros tonnages au détriment des petits qui, eux, tendent à disparaître.

De l’autre, les syndicats d’agriculteurs, à l’exception de la Confédération paysanne, soutiennent majoritairement la démarche, les exploitantes et exploitants touchées bénéficiant d’un remembrement qui concerne au total 70 000 hectares de terre. Mais déjà en proie à des sécheresses ponctuelles qui s’intensifient, ils et elles s’exposent à une plus grande raréfaction de la ressource en eau qui pourrait mettre en danger l’agriculture sur le territoire.

Pour les opposants et opposantes, il a fallu tout construire. Notamment recréer du lien sur un territoire qui s’étend sur trois départements, de Compiègne à Cambrais. Un territoire faiblement peuplé et marqué par la désindustrialisation, une quasi-inexistence de réseaux militants et une implantation sérieuse de l’extrême droite.

Malgré les premiers travaux et la docilité de la majorité des habitants et habitantes et collectivités locales, les militantes et militants de Méga canal non merci appuyées principalement par les comités locaux des Soulèvements de la terre (coalition Soulèvement de la ­Seine notamment) multiplient depuis environ 2 ans réunions publiques, recours juridiques et travail de fond pour mener un combat déterminé. Ils et elles subissent déjà une répression démesurée avec la poursuite (sans suite) de deux militants ­cette année et un harcèlement continu des renseignements. 

L’exploitation du méga canal va consommer beaucoup d’énergie (pompages, maintenance, technologies high-tech…) et entrainer une perte en eau gigantesque (estimée à 20 millions de mètres cubes par ans).
Source : Méga canal non merci

Il est plus que nécessaire de faire grandir la mobilisation nationale contre ce méga canal dès le 11 octobre. L’enjeu est grand. Il nous rappelle qu’il n’y a pas d’écologie possible sous le capitalisme.Le méga canal est un véritable gaspillage d’argent public au service de l’expansion du capitalisme logistique qui défigurera le paysage, menacera le vivant et déstabilisera le territoire. Les ressorts de ce combat dépassent l’horizon des luttes écologistes et peuvent constituer un moyen d’amorcer le décloisonnement avec les luttes sociales.

Sol (UCL Caen)

 
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