Classiques de la subversion : Guy Hocquenghem, « Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary »




Militant de la frange gauchiste des JCR en Mai 68, pionnier du Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR) dans les années 1970, rédacteur à Libération entre 1976 et 1981, Guy Hocquenghem, avant de mourir du sida en 1988 à l’âge de 41 ans, publiait un ouvrage au vitriol contre les renégats de sa « génération », ce mot par lui abhorré, ce « bloc coagulé de déceptions et de copinages ».

Chaque mois, un livre qui a compté dans l’histoire des idées subversives

Pourtant, plus que d’un règlement de comptes au style flamboyant, la Lettre ouverte d’Hocquenghem est un témoignage capital. Il est étonnant de constater combien, plus de vingt ans plus tard, ce livre aide à comprendre les mécanismes de pensée de toute une ribambelle de bouffons politiques et médiatiques dont certains sont encore aujourd’hui au faîte de leur pouvoir de nuisance.

Cette « génération » de Guy Hocquenghem, c’est celle du patron de Libé jusqu’en 2006, Serge July, « plouc boulimique déversant la nappe des formules toutes faites et des mots à la mode ». C’est celle de Roland Castro, dont le « cirque de gaucho-fêtard-coluchien se résume en ces titres : architecte du président Mitterrand, gauchiste de service, valet du roi » ; l’essayiste Régis Debray « ex-tiers-mondiste à revolver à bouchons » devenu « sergent recruteur d’intellectuels à la botte [de Mitterrand Ier] » ; « Sa Transcendance » BHL « mieux qu’une girouette, une véritable rose des vents à toi tout seul » ; Glucksman qui, précédant les névroses de Finkielkraut, écrit que « le pacifiste allemand […] ouvre la porte d’un nouvel antisémitisme ».

L’un des chapitres les plus frappants est d’ailleurs consacré à l’intervention au Tchad en 1983, moment fondateur aujourd’hui oublié, mais ô combien révélateur du virage de cette intelligentsia gauchiste soudain devenue chienne de garde de l’impérialisme français. « Alliant le pire de la gauche, le cœur comme idéologie légitimant toutes les horreurs, et de la droite, le pragmatisme de l’Ordre et le nationalisme colonial, l’apostasie qui vous a retournés de l’anti-impérialisme au nucléaire, vous la présentez comme une exigence éthique de haute volée. Qui n’appelle pas comme vous à la guerre impériale, anti-russe pour les uns […], anti-arabe pour les autres […], anti-pacifistes pour tous, est une brebis galeuse, un antisémite, un traître à la patrie tout à la fois. »

Hocquenghem griffe aussi quelques figures intouchables. Ainsi de « saint Coluche », passé de l’anarchisme au tricolore « ni de droite, ni de gauche, mais de France » comme l’avait proclamé lui-même le comique. Ainsi des artistes venus bâfrer au buffet des prébendes et des fauteuils de la Haute Administration culturelle ouvert par Jack Lang, « la futilité des girouettes et le je-m’en-foutisme élégant de l’apparatchik un peu marginal ». « En avez-vous profité, du langisme ! » s’apitoie Hocquenghem : « La cour des Miracles était moins laide. »

Guillaume Davranche (AL Paris-Sud)

 Guy Hocquenghem, Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary, 1986

 
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