Communiqué UCL : Projet d’accords de Bougival, un leurre colonial

Le projet d’accords de Bougival, signés le 12 juillet dernier entre l’État français et différents partis indépendantistes ou anti-indépendantistes de Kanaky/Nouvelle-Calédonie ont été rejetés ce mercredi par le FLNKS. L’Union communiste libertaire l’affirme : ces accords doivent être dénoncés comme une régression dans le processus de décolonisation de la Kanaky.
Première gifle majeure au mouvement de décolonisation de la Kanaky : le dégel du corps électoral, loi coloniale dont l’adoption le 14 mai 2024 par l’Assemblée nationale avait déclenché un mouvement de révolte anticolonialiste massif, est acté par le présent accord. Désormais, toute personne résidant en Kanaky depuis plus de dix ans recevra la citoyenneté calédonienne et, par conséquent, le droit de vote aux élections. On peut s’attendre à ce que l’État français envoie des armées de fonctionnaires afin de faire pencher la balance en sa faveur lors des élections provinciales qui élisent les représentants siégeant au congrès et décidant de l’avenir politique du pays.
En apparence, ce pas en arrière est compensé par la création d’un État « associé » à la France. Ce qui peut sembler être une victoire symbolique cache pourtant mal le maintien réel du lien colonial. La « double nationalité » évoquée dans l’accord n’a en réalité aucune valeur, car si vous reniez la nationalité française, vous perdez automatiquement la nationalité calédonienne. L’accord annonce la création d’une « police coutumière », mais son organisation n’est pas clairement définie : on peut s’attendre à un énième bras armé pour contrôler les aires coutumières kanak, ou à un organisme dépourvu de réel pouvoir. Avancée seulement symbolique alors ? Même sur ce plan, il ne s’agit pas d’une véritable victoire, puisque cet État porterait le nom de « Nouvelle-Calédonie » et son peuple celui de « calédonien », des termes coloniaux pour effacer le peuple kanak et la Kanaky.
À part ce recul réel et ces avancées factices, ces accords ne changent rien à la domination coloniale. L’État français continue de disposer des principaux attributs de la souveraineté sur la Kanaky, notamment dans le domaine des relations internationales. L’État de Nouvelle-Calédonie devra se plier aux intérêts internationaux français, reléguant les représentants de la colonie à de simples conseillers sans pouvoir diplomatique. Sur le plan militaire, la France s’autoproclame comme seule capable de défendre le territoire et maintient ses forces armées. Elle renforce également son programme du Régiment du Service militaire adapté (RSMA), machine d’endoctrinement militaire de la jeunesse. La France continuera à faire de l’ingérence dans la sécurité intérieure en ayant une place dans le Haut Conseil calédonien de la sécurité. Si un nouveau code pénal fait son apparition, la justice calédonienne ne sera pas indépendante de l’État français. Pire, l’accord fait mention de la création d’un nouveau site pénitencier alors même que le camp Est, le centre pénitencier en Kanaky, figure sur la liste des pires prisons françaises. Avec l’annonce d’une nouvelle prison en Guyane, c’est le retour des bagnes !
Le volet économique de l’accord laisse craindre le maintien d’une économie de dépendance néocoloniale. En matière monétaire, la France garde le contrôle en imposant le franc Pacifique, une monnaie adossée à l’euro. L’accord prévoit également une « réduction des dépenses publiques, la rationalisation de l’administration et la réforme de la fiscalité ». L’État français donnera des objectifs à remplir à la Nouvelle-Calédonie afin qu’elle puisse obtenir des subventions et réduire sa dette envers la France, renforçant son emprise sur l’économie du pays. On peut s’attendre à la formation d’un État ultra-libéral qui va terminer de détruire les acquis sociaux, au détriment de la population kanak qui est déjà la plus touchée par la pauvreté. Certes, l’accord affirme que le nickel calédonien sera transformé dans les usines du territoire. Cependant, il permet de l’exporter si l’équilibre économique l’impose, renouant ainsi avec le vieux pacte colonial : exportation des matières premières à bas coûts vers la métropole et l’Union européenne – à qui l’accord garantit un approvisionnement en nickel – et importation de produits manufacturés coûteux dans la colonie. C’est un véritable pillage des ressources de la Kanaky, et une remise en cause du pacte nickel qui assurait une indépendance de la Kanaky sur l’exploitation du minerai, pilier de l’économie locale.
Cet accord, sous couvert de proposer plus d’autonomie pour la Kanaky afin de calmer les indépendantistes, n’est rien de moins qu’un nouveau traité colonial souhaitant contrôler et museler l’opposition et maintenir l’oppression du peuple kanak. Manuel Valls, ministre des Outre-Mer, a annoncé, face à la probabilité du rejet du texte au congrès du Front de libération nationale kanak et socialiste, être prêt à retravailler l’accord, mettant l’accent sur l’identité kanak. Mais personne n’est dupe de ces fausses concessions !
L’UCL réaffirme son soutien à la lutte du peuple kanak pour son indépendance, et appelle à participer à toutes les mobilisations pour la Kanaky en France. Mobilisons-nous contre l’impérialisme français, contre le colonialisme et le racisme que subit le peuple kanak et pour le démantèlement de ce qu’il reste de l’empire colonial français !
Kanaky vivra, Kanaky vaincra !
Union communiste libertaire





