Convergence des luttes : Féminisme et écologisme




En refusant de penser les liens qui existent entre les diverses formes d’oppression, c’est la convergence des luttes qu’on affaiblit. Les rapports entre féminisme et écologie illustrent bien ce problème…

Le dernier ouvrage de la féministe libérale universaliste Élisabeth Badinter, Le conflit, illustre les débats qui peuvent exister entre féminisme et écologie quand le premier est pensé sans prendre en compte les autres systèmes d’oppression. L’auteure, qui se veut une héritière de l’esprit de progrès de la philosophie des Lumières, s’en prend par exemple aux écologistes qui prônent les couches en tissu lavables et la purée bio pour bébé faite maison.

Pour autant, doit-on nécessairement penser qu’écologisme et féminisme sont antinomiques ?

Penser l’écologie et le féminisme : l’éco-féminisme

Il existe un courant du féminisme qui tente depuis plusieurs années de penser les liens entre écologie et féminisme, il s’agit de l’éco-féminisme.
L’un des apports de ce courant est de penser l’exploitation de la femme et l’exploitation de la nature de manière homologique. Tout comme la pensée androcentrée occidentale a opposé l’homme et la nature en dévalorisant cette dernière, elle a opposé l’homme et la femme en infériorisant cette dernière. Ce n’est pas pour rien si la femme est ainsi renvoyée du côté de la nature tandis que l’homme est associé à la culture et à la technique. De ce fait, pour des éco-féministes, telles que Françoise d’Eaubonne, les systèmes capitaliste et étatique sont des conséquences du patriarcat. Le développement occidental se serait donc appuyé sur cette logique patriarcale, qui conduit à la destruction de la nature.

Une autre dimension intéressante de l’éco-féminisme est d’avoir su articuler dans des luttes le lien entre écologie, féminisme et auto-subsistance alimentaire dans les pays du Sud. On peut citer par exemple, le mouvement Chipko, où des villageois en Inde, principalement des femmes, s’opposent à la déforestation ou celui de la « ceinture verte », mouvement de femmes kenyannes qui s’opposent elles aussi à la déforestation. Ces mouvements ont par exemple alimenté la réflexion et l’action de la physicienne indienne Vandana Shiva [note].

L’éco-féminisme peut être ainsi rapproché, en ce qui concerne sa vision de l’écologie, des théories de la décroissance qui prônent des pratiques économiques qui reposent sur une logique différente du capitalisme et des schémas de développement européanocentrés.

Un éco-féminisme matérialiste

Il faut néanmoins distinguer au sein de l’éco-féminisme deux courants. Un courant spiritualiste (Starhawk par exemple) et un autre matérialiste (comme chez Maria Mies). Le premier présente des aspects d’inspiration religieux. Il tend à naturaliser la différence des sexes en établissant une analogie entre la terre mère et la femme mère.

Au contraire, l’éco-féminisme matérialiste cherche dans l’exploitation économique des femmes ce lien entre femme et nature. Celui-ci n’est pas contenu dans une quelconque essence féminine, mais construit historiquement.

Articuler le féminisme et l’écologie, nous conduit à devoir penser des formes de techniques conviviales, c’est à dire aisément maîtrisables et réparables, mais qui prennent aussi en compte la question de la libération de la femme par rapport aux tâches ménagères. Cela nous amène à penser une médecine dite « naturelle », mais qui n’oublie pas la question de la contraception.

L’écologie, la décroissance, ne doivent donc pas être aveugles au fait selon lequel, comme l’avait bien formulé Flora Tristan, « la femme est le prolétaire de l’homme ».

Irène (AL Paris Nord-Est)

 
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