Courrier des lecteurs : Précisions sur Ben Barka




Je tiens d’abord à saluer le travail effectué par Gisèle et Christian autour de l’assassinat de Mehdi Ben Barka paru dans le n° 254 d’octobre 2015 d’Alternative libertaire et à m’associer au soutien de celle-ci au nouveau Comité pour la vérité dans l’enlèvement et la disparition de Mehdi Ben Barka. Et je souhaite ci-après apporter quelques informations complémentaires :

En effet l’article fait référence au livre de Daniel Guérin, Ben Barka et ses assassins – 16 ans d’enquête, paru chez Plon en 1982 (en fait une réédition augmentée de la première version parue chez Guy Authier en 1975, après dix ans d’enquête). En fait, Daniel n’a jamais abandonné ce combat pour la vérité jusqu’à ses derniers instants en 1988. La preuve en est qu’il m’avait confié dans le cadre de ma désignation comme exécuteur testamentaire une grosse enveloppe contenant des informations confidentielles avec le contrat moral de les ajouter après sa mort à une éventuelle réédition de son livre. C’est pourquoi une nouvelle édition sous le titre Ben Barka, ses assassins est parue début 1991 aux éditions Syllepse & Périscope, augmentée de huit annexes inédites ajoutées aux neuf annexes incluses dans la version de 1982 ainsi que d’une préface de Gilles Perrault et d’une quatrième de couverture de Bachir Ben Barka, fils aîné de Mehdi Ben Barka.

Combat titanesque

Les annexes inédites comprenant un certain nombre d’éléments nouveaux ainsi que la citation de nouveaux personnages, j’ai consulté tant maître Maurice Buttin [1]
, avocat de la famille Ben Barka (aujourd’hui avocat honoraire dont l’affaire Ben Barka reste le seul dossier en cours dans le cadre d’une procédure actuellement délocalisée à Lille) que Bachir ainsi qu’Anne, la fille de Daniel et les camarades du Cercle Daniel Guérin avant d’autoriser leur publication.

Par ailleurs la préface de Gilles Perrault a été rédigée en 1990, soit deux ans après la disparition de Daniel, tant et si bien qu’elle contient une information dont Daniel n’a jamais eu connaissance : « Ben Barka devait être reçu le lendemain (de son enlèvement, ndlr) à l’Élysée où de Gaulle l’avait déjà accueilli deux fois… », ce qui a pour conséquence que, tout en saluant le combat titanesque pour la vérité que Daniel a mené pendant plus de vingt ans, Gilles Perrault prend des distances avec le dernier scénario auquel s’était rallié Daniel Guérin (scénario largement partagé aujourd’hui), au soir de sa vie : c’est-à-dire la mort « accidentelle » par homicide non volontaire ou le meurtre de Mehdi Ben Barka non prémédité par les donneurs d’ordres de l’enlèvement, celui-ci ayant été en revanche totalement programmé et commandité par le roi du Maroc, tout en affirmant tout l’intérêt que présente le livre de Daniel.

Ce type d’information, post-mortem pour Daniel Guérin, ne fait que renforcer le fait que la DGSE (nouvelle appellation décidée en 1982 dans une volonté de rompre symboliquement avec le passé du SDECE, dont le nom fut associé à l’affaire Ben Barka, dans laquelle fut impliqué Maurice Leroy, dit Finville, le patron de son « service 7 ») et la DGSI détiennent sinon la clef de la vérité mais à tout le moins des informations essentielles. Et aucun gouvernement, de droite comme de « gauche », jusqu’à aujourd’hui n’a fait preuve de la volonté politique de faire la lumière sur cette affaire en demandant la levée du secret-défense pour les dossiers la concernant.

Daniel Guerrier (ami d’AL)

[1Une nouvelle édition du livre de Maurice Buttin, Ben Barka, Hassan II, de Gaulle – Ce que je sais d’eux, vient de sortir aux éditions Khartala, enrichie par rapport à l’édition de 2010 et augmentée d’une préface de Bachir Ben Barka.

 
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