Déferlante islamophobe et fascisation

Alors que l’extrême droite continue sa croissance mondiale, la discrimination des musulmanes ne cesse de s’amplifier et de se normaliser en France, jusqu’aux membres du gouvernement. Retour sur la vague de racisme de ces dernières semaines [2].
L’extrême droite est plus proche que jamais du pouvoir. Toutes les digues sautent, au point que le Premier ministre peut rendre hommage au « combat » du collectif néofasciste Némésis. L’islamophobie d’Etat débridée est un des carburants de la fascisation du pays. Des harcèlements fascistes relayés par l’État aux multiples lois islamophobes, la période est particulièrement difficile pour les musulman⸱es et toutes les minorités racisées, persécutées par l’État français.
Harcèlements et suspiscions
L’affaire Merwane Benlazar illustre le niveau de radicalisation de l’État, prêt à suivre n’importe quelle polémique lancée par l’extrême droite. L’humoriste, invité pour sa première chronique télévisée dans l’émission C à Vous du 31 janvier 2025, a été licencié par la ministre de la culture Rachida Dati après cette apparition, sans recevoir de soutien de la part de son équipe. Seul motif du licenciement : l’indignation de l’extrême droite de voir un musulman supposé à la télévision, relayée par l’État qui a usé de pressions pour une censure immédiate.
Le procédé n’est pas nouveau : le rappeur Médine, la chanteuse Mennel, la syndicaliste Maryam Pougetoux, et bien d’autres, avaient déjà été harcelées pour leur simple existence médiatisée comme personnes arabes, et leurs propos antérieurs avaient déjà été scrutés, inventés, déformés, amplifiés, pour justifier l’acharnement. Des publications sur les réseaux sociaux datant d’il y a plusieurs années et parfois anodines avaient déjà été exhumées comme des preuves après coup de la justification du harcèlement.
La journalise Sihame Assbague compare ce procédé à un contrôle au faciès : sur la base de leur apparence physique, des personnes identifiées comme musulmanes se voient scrutées et obligées de justifier le moindre de leurs faits et gestes. Ces interpellations sont autant de manières pour les racistes de faire comprendre aux personnes qui les subissent qu’elles seront toujours suspectes et leur place dans l’espace public, toujours questionnée.
La diffusion massive de la haine islamophobe, relayée par le gouvernement, se traduit également par la hausse vertigineuse des violences. L’incendie criminel de la mosquée de Jargeau dans la nuit de mardi 25 à mercredi 26 février, véritable attentat raciste, a fait l’objet d’un silence assourdissant, tant de la part des médias que du gouvernement.
L’État français : relais et producteur d’islamophobie
Relais des paniques morales, l’État est surtout un producteur majeur de politiques islamophobes. Le 28 octobre 2024, la France avait déjà été épinglée par le groupe de travail de l’ONU sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles qui avait jugé « discriminatoire » l’interdiction du hijab en compétition de foot et de basket [1]. Le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU avait condamné une première fois cette interdiction pour les athlètes françaises durant les JO de Paris 2024 et avait fait remarquer à juste titre que « personne ne devrait imposer à une femme ce qu’elle doit porter ou non ». Pourtant, la proposition de loi votée au Sénat le 18 février dernier avec le soutien du gouvernement risque d’étendre encore ces discriminations, en les transformant en obligation légale pour toutes les fédérations sportives.
En matière scolaire, une série de lois et de décrets racistes, de la loi de 2004 sur les « signes religieux » à l’interdiction de l’Abaya, ciblent les musulmanes dans l’école publique. Le 6 janvier dernier, le lycée Al-Kindi, jusqu’alors le dernier lycée privé musulman sous contrat de France, a perdu ses financements publics. Traitement d’exception raciste, quand de nombreux établissements catholiques, dont Bétharram ou Stanislas, continuent à jouir de l’argent public malgré de nombreuses affaires de violences sexuelles et LGBTI-phobes en leur sein (voir l’article « Éducation : Au-delà de Bétharram, abolir l’enseignement privé »).
Ces événements ne doivent pas être pris isolément, ni être banalisés. Il est, au contraire, impératif de les comprendre comme une politique cohérente, qui consiste à s’en prendre systématiquement à toutes les manifestations visibles (réelles ou supposées) de l’Islam en France. Partout, l’État et ses relais fascistes s’en prennent aux personnes musulmanes. La barbe, le voile : n’importe quelles caractéristiques physiques ou vestimentaires sont présentés comme un danger civilisationnel, pour mieux justifier l’atteinte aux droits fondamentaux des musulmanes.
Répression de la solidarité avec la Palestine
Parallèlement, la liberté d’expression des musulman⸱es, notamment lorsqu’ils et elles expriment leur soutien au peuple Palestinien, fait l’objet d’une répression féroce. L’Imam Noureddine Aoussat – auprès de qui l’UCL est intervenue au cours du meeting unitaire « Après le 7 juillet, que faire ? » du 7 juillet 2024 – a subi une violente perquisition à son domicile le 5 février. Abdourrahmane Ridouane, président de la mosquée de Pessac qui avait lui aussi exprimé sa solidarité avec le peuple palestinien, a été condamné le 10 mars à quatre mois de prison avec sursis et deux ans d’interdiction du territoire (décision dont il a fait appel) pour « apologie du terrorisme », subissant du même coup la double peine avec une administration française cherchant par tous les moyens à l’expulser.
Cette répression vise à empêcher toute critique du soutien honteux de la France à l’État d’Israël. Ce soutien s’est manifesté de façon criante lors de la rencontre récente entre une délégation gouvernementale française et David Azoula. Ce maire israélien avait proposé de raser la bande de Gaza et de la transformer en « musée à la Auschwitz ». Il s’agit aussi de s’opposer à toute expression politique de responsables religieux musulmans, au nom d’une injonction raciste au silence.
À une politique raciste cohérente et systématique, il nous faut donc opposer une politique antiraciste cohérente et systématique. Il ne suffit pas de réagir au cas par cas, lorsque la personne ou l’organisation ciblée par une attaque islamophobe nous est proche. À chaque harcèlement islamophobe, à chaque nouvelle loi raciste, à chaque perquisition abusive, soyons aux côtés de celles et ceux qui luttent. Un mouvement populaire massif et offensif contre l’islamophobie est urgent, notamment pour arracher le retrait de la loi de 2004 sur les signes religieux à l’école, et de tous les lois et règlements discriminatoires contre les femmes voilées.
Daniel (Commission antiracisme)






