Dossier Printemps arabe : Maghreb ouvrier : La percée du syndicalisme autonome




Les dictatures les avaient assujettis, transformé en rouages de l’Etat, en structures d’encadrement de la classe ouvrière. Le Printemps arabe change la donne. Ici, des syndicats libres éclosent. Là, la banquise bureaucratique se fissure. La situation est à observer de près.

Sous le Printemps arabe, la lutte des classes affleure. Pour défendre ses intérêts propres, la classe ouvrière parviendra-t-elle à se doter d’une organisation indépendante et com­bative  ?

C’est en Algérie que l’on observe les évolutions les plus intéressantes. Les syndicats autonomes ne cessent de se développer face à l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA, paragouvernementale), avec pour fer de lance le Syndicat national autonome du personnel de l’administration publique (Snapap), mais aussi quelques autres dans l’éducation, et depuis peu dans les entreprises pétrolières, de téléphonie, dans les banques ou encore dans les collectivités locales. Le Printemps arabe de 2011 a encouragé cette dynamique, mais la répression demeure très forte. Avec cette diversification des implantations, le syndicalisme autonome est amené à s’interroger sur sa structuration, d’autant qu’il est très attaché au rôle des syndicats de base, et au lien étroit qu’il entretient avec les associations de chômeuses et de chômeurs.

Au Maroc, le syndicalisme reste inféodé aux partis politiques, ce qui ne facilite pas l’essor et la coordination des luttes. Des syndicats locaux des différentes confédérations (UMT, CDT, ODT, etc.) mènent des grèves, souvent très dures, longues, réprimées, et pour nombre d’entre elles gagnantes grâce à la solidarité. Mais les jeux politiciens les empêchent d’occuper pleinement le terrain social, de poser réellement la question d’un changement de société d’un point vue autonome pour les travailleuses et travailleurs. Le congrès de l’une des organisations les plus combatives, l’Organisation démocratique des travailleurs (ODT), se tient fin mars. Il faudra en suivre les débats et décisions…

En Égypte, la répression est forte contre les manifestations, mais aussi contre le droit d’expression et d’organisation collective. Une loi très restrictive pour les ONG et les associations est en préparation. Les luttes sociales n’ont pas cessé, au contraire. Des grèves éclatent dans divers secteurs professionnels. La Fédération égyptienne des syndicats indépendants (EFITU) a tenu son Ier congrès du 28 au 30 janvier, et met en avant 5 exigences : le retour des militaires dans les casernes ; la démission du gouvernement ; la formation d’un gouvernement « de salut national » ; la démission du procureur général (un fidèle de Moubarak) ; la création d’un tribunal révolutionnaire pour juger l’ancien régime. Et l’EFITU précise « nous utiliseront tous les moyens légitimes, y compris la grève générale que nous avons utilisé précédemment pour soutenir la révolution qui subit actuellement de nombreuses menaces ».

[*L’UGTT change de direction*]

En Tunisie, l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) a été à la fois un soutien du pouvoir (jusqu’à ses dernières heures !) et le foyer des contestations les plus fortes et les plus déstabilisatrices pour celui-ci. Réunie en congrès du 25 au 28 décembre 2011, elle a renouvelé à 75 % son bureau exécutif. Un enjeu d’autant plus important que, traditionnellement, les différents courants politiques y sont explicitement représentés. Les fédérations et les unions régionales qui avaient le plus pesé dans le soutien aux mouvements de Redeyet et Gafsa puis dans le tournant vers la grève générale en janvier 2011, sont représentées. C’est un glissement « à gauche » indéniable, mais avec les réserves liés à un fonctionnement qui demeure assez bureaucratique. Point noir : aucune femme au bureau exécutif, alors qu’il y avait des candidates et qu’elles représentent la moitié des effectifs de l’UGTT.

Les rapports entre toutes ces organisations syndicales et la Confédération syndicale internationale (CSI) méritent quelques lignes. Sans état d’âme, la CSI accueillait les syndicats « officiels » liés aux dictatures. Malgré tout, en recherche de soutiens internationaux, c’est vers la CSI que les syndicats autonomes algériens et égyptiens se tournent. Ces affiliations traduisent surtout le manque d’attractivité au plan international du syndicalisme révolutionnaire, qui pèche par purisme parfois, par pénurie de moyens souvent. Mentionner ces insuffisances ne signifie pas qu’elles sont insurmontables, bien au contraire.

Mouldi C. (AL Transcom)

 
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