EPR : Une claque pour les nucléocrates




Une pluie de 30 000 antinucléaires s’est abattue sur Cherbourg pour les vingt ans de la tragédie de Tchernobyl. La manifestation contre le projet de réacteur de nouvelle génération EPR à Flamanville (lire Alternative libertaire de février et avril) a été un franc succès.

Depuis Bayeux, la nationale 13 qui mène à Cherbourg est bien déserte en ce samedi matin 15 avril. De temps en temps, un autocollant « Nucléaire non merci » au dos d’une bagnole, mais pas un car à l’horizon, et pire, moins de circulation que d’habitude... A l’arrivée, ce n’est pas mieux. La ville aussi est déserte. Pourtant il ne pleut pas encore et de toute façon, ici, si on ne sort pas quand il pleut : on ne sort jamais.

Au lieu de départ de la manif, à midi, mon moral commence à baisser sérieusement. Deux à trois personnes, moyenne d’âge 50 piges, se pressent autour du stand où la Confédération paysanne fait griller des saucisses, et je m’apprête à vivre ce que je redoute depuis que la manif contre l’EPR a été appelée à Cherbourg : un rassemblement de vieux babs, ancien(ne)s combattant(e)s du Larzac, de Malville ou de la construction de Flamanville. Mon impression est confirmée par le fait que je connais presque tout le monde et qu’en plus, il commence à pleuvoir. Alors évidemment c’est sympa de voir les vieux potes et les vieilles copines perdu(e)s de vue depuis des lustres, mais cela valait-il le coup de gâcher un week-end de trois jours pour venir se faire saucer ici ?

Puis petit à petit, la place se remplit puis déborde, et au lieu de la bérézina à laquelle je m’étais préparé, c’est une véritable manifestation massive qui prend corps. Avec une heure et demie de retard, le défilé dynamique qui s’ébranlera le long des quais du centre-ville, sous une pluie battante qui durera jusqu’à l’arrivée, enflera jusqu’à 30 000 personnes. L’objectif de 10 000 manifestant(e)s fixé par le réseau « Sortir du nucléaire » est largement dépassé, avec de très nombreu(se)s jeunes nourri(e)s à la mamelle du tout-électrique d’EDF.

Bien présent dans le cortège, un pôle rouge et noir animé par l’AL, la FA et No Pasaran a rassemblé plusieurs dizaines de personnes. A l’arrivée, Alternative libertaire a pu prendre la parole malgré la dérisoire manœuvre des Verts au sein du réseau « Sortir du nucléaire » pour essayer de nous en empêcher.

À proximité de Cherbourg, le collectif Stop-EPR avait organisé un grand campement pour les vaillant(e)s manifestant(e)s venu(e)s de tout l’Hexagone. Une partie était réservée au Village autogéré anticapitaliste et antinucléaire (VAAAN) monté par un collectif autonome - les Énervés constructifs de Poitiers, Vamos, ainsi que des militant(e)s d’AL, FA et No Pasaran - sur le modèle du mémorable VAAAG conçu pour l’anti-G8 de juin 2003. Hélas l’initiative a été gâchée par la pluie et le froid.

Du jamais vu à Cherbourg

On mesure tout le succès de cette mobilisation antinucléaire quand on sait qu’à Cherbourg, qui fut le théâtre de très nombreuses manifs, avec un comité antinucléaire hyperactif au début des années 80, de mémoire de militant(e)s, on n’avait jamais vu défiler autant de monde contre la mono-industrie locale, et il faut probablement remonter à Malville, le 31 juillet 1977, pour retrouver une mobilisation d’une telle ampleur. Et tout cela dans un contexte politique incomparablement plus favorable.

La question qui se pose maintenant est de prolonger utilement cette mobilisation pour continuer à revendiquer la sortie immédiate du nucléaire. Le sujet a été abordé dans les différents forums qui avaient lieu en marge de la manif, mais à ce jour, il n’en est rien ressorti de concret. L’urgence est cependant de continuer à mobiliser le plus largement possible contre l’EPR, les couloirs de lignes à très haute tension et le site d’enfouissement de déchets radioactifs de Bure, sans se laisser abuser par les chants des sirènes présidentiables. On peut parier que le discours antinucléaire des Verts Cochet ou Voynet sera inversement proportionnel à la durée restante jusqu’à l’élection présidentielle, avant de retomber dans les oubliettes de la « gauche plurielle » 2e version.

Max Beria (AL Paris Nord-Est)


Le nucléaire tue l’emploi

Une étude demandée par le réseau « Sortir du Nucléaire » à l’association « Les Sept vents du Cotentin » et rendue publique le 14 avril dernier, montre que les 3 milliards d’euros prévus pour la construction du prototype de réacteur EPR, s’ils étaient utilisés dans le domaine de la maîtrise de l’énergie et des énergies renouvelables, pourraient générer plus de 10000 emplois pérennes. Le projet EPR quant à lui emploiera jusqu’à 2300 personnes en phase de construction.

Sur quinze ans, la moyenne cumulée est de 600 emplois créés. L’effectif permanent serait de 250 à 300 emplois. De plus, à investissement égal, on obtiendrait une capacité de réponse aux besoins électriques deux fois supérieure à celle de l’EPR, en ajoutant la production d’électricité à la dépense évitée.

 
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