Egypte : Résistance au cirque pseudo-révolutionnaire




Quelle est la situation en Égypte ? La scène sociale et politique y est largement dépolitisée. Analyse par un militant du Mouvement socialiste libertaire.

La spécificité du Parti national, qui a tenu le pouvoir tout au long de l’ère Moubarak, est qu’au contraire du Parti Baas en Syrie, il n’a pas adopté la stratégie totalitaire d’idéologisation et de mise au pas de toute la société. Cela ne signifie pas que le Parti national d’Égypte est plus démocratique, mais qu’il affiche une ambition de désidéologiser la société. Ceci est en partie tiré de l’échec du régime nassérien à faire de l’organisation des jeunes socialistes une école qui produirait les cadres du parti au pouvoir. En effet, cette organisation est rapidement devenue indépendante. Cette autonomie a poussé le parti de Nasser à la détruire, et à liquider les membres les plus farouchement opposés au régime.

Dans ce climat, l’apparition des ONG dans le champ social, depuis le début des années 1990, a favorisé le rejet de toute idéologie politique, voire même du politique. Beaucoup de membres de partis ont quitté le champ politique pour se tourner vers un cadre d’action plus légal et confortable, d’autant qu’un grand nombre d’ONG sont sous la bienveillance de l’Occident, avec des budgets conséquents.

Le conflit politique dans le monde des Schtroumpfs

Cette désidéologisation de la société a favorisé l’apparition de collectifs comme le mouvement Kifaya, qui est dénué de tout projet de société et n’arrive pas à dépasser l’expression du ras-le-bol vis-à-vis du pouvoir de Moubarak. Les mutations de ces courants ont engendré le Mouvement du 6 avril, dont le slogan sur « le changement » sonne aussi faux que celui du pouvoir.

Cette situation a influencé la contestation sociale et politique, laquelle a conduit à la chute de Moubarak en février 2011. L’apparition des Ultras (supporters de foot) comme force importante dans la scène contestataire en est le reflet. Les Ultras, par leur discipline et leurs tactiques bien rodées contre les forces de polices, ont su apporter du dynamisme et de l’efficacité lors des combats de rue. Mais un projet politique ne peut baser son orientation sur des émeutes. Il faut signaler par ailleurs l’autoritarisme et la misogynie qui règne chez les Ultras, qui regroupent des petits chefs de bande. La porte était alors grande ouverte à toutes les récupérations.

Faire de la politique en dehors des sentiers battus

Notre projet, en tant que libertaires, est d’apporter une pensée qui se veut l’investissement par la classe populaire du champ politique à tous les niveaux, en mettant au centre la lutte des classes et l’anti-autoritarisme.

Pour y parvenir nous organisons des réunions publiques dans les quartiers populaires, ainsi que des cercles de réflexion spontanées dans les rues d’Alexandrie. Notre dernière campagne s’intitule « brûlons leur Constitution » et vise à montrer que la Constitution égyptienne ne sert que les intérêts de la classe dominante. Cette initiative a eu un écho favorable, notamment du fait que le contenu de la Constitution n’est connu que par les experts en droit ou certains politiques.

Nos prochaines compagnes porteront sur notre projet. Ceci permettra de donner une réponse à la question qui se pose partout en Égypte : quelle est l’alternative ? Nous réaliserons notamment une campagne sur le syndicalisme et nous poserons l’idée de l’autogestion comme alternative au travail exploité.

Yasser Abdelkawy (Mouvement socialiste libertaire-Egypte) traduit de l’arabe par MarouaneTaharouri (AL Paris-Nord-Est )

 
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