Enseignement supérieur et recherche : À reculons ou le poing levé ?




En juin dernier, le comité national du CNRS  [1]
a lancé un appel dénonçant les choix politiques du gouvernement et proposant un budget alternatif. L’intersyndicale a soutenu l’initiative mais peinait jusqu’ici à construire une réelle mobilisation. Une fenêtre s’est ouverte avec la mobilisation réussie de Sciences en marche.

L’initiative Sciences en marche, partie d’un premier comité montpelliérain, a appelé à l’organisation de marches autour de trois mots d’ordre  : la création d’emplois statutaires ; un financement récurrent (c’est-à-dire ne dépendant pas d’appels à projets) des labos et facs ; la reconnaissance du doctorat dans les conventions collectives.

La convergence des marches à Paris a rassemblé entre 5 000 et 10 000 manifestants à Paris le 17 octobre. Le début de la mobilisation avait pourtant été compliquée. Une partie des organisateurs voulait construire une mobilisation «  apolitique  » s’en tenant aux trois revendications, obtenant le plus possible de soutiens institutionnels (académiciens, présidents de facs, lauréats de prix scientifiques, start-up…), donc écarter les syndicats jugés trop «  radicaux  » et limitant les comités locaux à du relais.

Être partie prenante

Cette démarche rappelle celle de la mobilisation de 2004, qui a laissé un goût amer à bien des militantes et des militants. En effet, une fois passée la mobilisation de masse et l’été, le gouvernement avait coupé l’herbe sous le pied du mouvement en détournant ses revendications pour en faire le pacte pour la recherche, ancêtre de la loi LRU dont on subit les conséquences aujourd’hui (autonomie des facs, logiques d’excellence, évaluation et sanction des enseignants chercheurs, etc.). Le mouvement s’étant borné à discuter de la forme (faut-il manifester à reculons ou défiler en blouses blanches ?) et pas du fond, il s’était retrouvé complètement démuni.

Une autre partie du mouvement, notamment là où les syndicats se sont engagés, cherche à impliquer le plus grand nombre de personnels à la fois dans le débat et dans l’action, et va à la confrontation d’idées avec la frange «  œcuménique  ». Malheureusement certaines équipes syndicales, échaudées par l’antisyndicalisme d’une partie du mouvement et par l’implication de la hiérarchie était au mieux sceptique voire carrément contre.

Démarche plus revendicative

Les événements ont finalement validé la stratégie d’implication dans le mouvement. D’abord Sciences en marche, et les directeurs d’unité se sont bien positionnés face aux premiers contre-feux envoyés par Fioraso et les mandarins, restant sur les trois revendications. Ensuite, une partie des comités Sciences en marche s’est engagée dans une démarche plus revendicative, en particulier en région parisienne, et travaille de concert avec les syndicats. C’est ce qui a permis la mobilisation réussie du 17 octobre.

Bien entendu, Fioraso reste droite dans ses bottes. Le premier enjeu est donc d’élargir les assemblées générales (restées faibles jusqu’ici) pour consolider le mouvement. La direction de celui-ci est aujourd’hui éclatée entre les organisations syndicales (elles-mêmes divisées : Sciences en marche, le comité national, les directeurs d’unité). Sans doute le succès du 17 va-t-il les inciter à travailler ensemble.

Fioraso renvoyant la responsabilité de l’austérité au gouvernement et tentant de faire passer les personnels pour des privilégié-e-s, le mouvement va être contraint de se politiser. Les trois revendications sont pour le moment la garantie de l’unité, mais il faudra discuter plus largement des restructurations en cours dans la recherche, des conditions de travail et des salaires, de l’austérité généralisée au-delà du milieu pour construire un mouvement cohérent.

Grégoire (AL Orléans)

[1Composé d’environ 1 000 membres, environ la moitié étant élus, représentant l’ensemble des disciplines scientifiques.

 
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