Extrême-Orient : Le confucianisme, un instrument de domination




Le confucianisme, philosophie moraliste répandue en Asie, est, de la même manière que le christianisme en Europe, un instrument de contrôle social et de domination. Loin d’être une exotique et dépaysante sagesse orientale d’inspiration zen, c’est en réalité un outil au service des classes dominantes.

En Occident, le rôle du christianisme comme instrument d’oppression, d’aliénation et de soumission totale devant la personne du curé, du mari ou du chef politique a été mis en lumière par de nombreux penseurs, notamment athées, et est relativement admis aujourd’hui. Les historiens ont montré la fonction centrale de la religion dans le maintien de l’Ancien Régime, pouvoir d’ordre divin, où obéir au roi était obéir à Dieu. Plus globalement toujours à l’heure actuelle, tous les combats d’arrière-garde, comme récemment celui contre le mariage homosexuel, ont été lancés et soutenus activement par les réseaux religieux, notamment catholiques. L’Église, bien qu’ayant heureusement perdu une grande partie de son influence au cours du processus historique, notamment suite à Mai 68, continue en France à influencer les pensées collectives et inconscientes, et sa fonction est centrale historiquement notamment dans l’élargissement et la continuité du système patriarcal, dans lequel une bonne épouse se doit d’être soumise à son mari.

Contrôle et hiérarchie

En Asie, le confucianisme joue le même rôle d’outil de contrôle social. Pourtant, son influence a été et est toujours déterminante dans le fonctionnement des sociétés asiatiques. Le confucianisme est une sorte de philosophie moraliste, d’inspiration religieuse, née en Chine avec l’écriture des Entretiens (en chinois lunyu) de Confucius, et qui s’est ensuite propagée notamment au Japon, en Corée, ainsi qu’au Vietnam, par le biais d’écoles de lettrés confucéens chargées de faire connaitre et d’appliquer la pensée du maître. Le confucianisme a donc profondément influencé, pendant plus de 2000 ans, le modèle social de ces pays d’Asie du Sud-Est, devenant en général la principale idéologie des États naissant pendant cette période.
Le confucianisme diverge des religions monothéistes ou polythéistes sur plusieurs aspects, ce qui empêche de le définir comme une religion à part entière : ainsi, le confucianisme ne possède pas de lieux de culte officiel, contrairement au bouddhisme et au taoïsme, religions qui elles disposent de temples dans toute l’Asie. Les adeptes ne sont également pas astreints à la pratique de la prière, qui vise dans les religions à vénérer un Dieu tout-puissant et souvent à prouver sa soumission totale à ce dernier. Le confucianisme ne dispose également pas de clergé attitré, contrairement au bouddhisme, ni de signe ostentatoire.

Une idéologie au service des dominants

Cette doctrine propose donc un agencement, ou plutôt une hiérarchisation très poussée, de haut en bas de la société, en focalisant son effet moralisateur sur la cellule familiale, qui est le centre d’action névralgique du confucianisme. Le confucianisme institue la « piété filiale » (xiao), ciment qui structure les rapports sociaux, où la domination des parents sur les enfants, comme en contrepartie l’obéissance des enfants, doit être totale. Voici un des extraits des Entretiens :
« Père et mère vous convoquent /
Répondez sans tarder /
Père et mère vous commandent /
Agissez sans paresser /
Père et mère vous enseignent /
Avec respect écoutez /
Père et mère vous blâment /
Sans rien dire acceptez
 ».
Dans la même logique, les textes nous expliquent que la femme doit faire preuve quotidiennement de gratitude et de respect envers son mari. Les féministes ont souvent dénoncé les schémas sociaux véhiculés par les valeurs confucéennes, où l’homme devient le maître de la maison et le chef de la femme et des enfants. Le confucianisme se niche plus globalement dans les consciences collectives, dans les actes quotidiens, dans les normes et les mentalités, particulièrement au sein du cercle familial mais aussi souvent de l’entreprise au Japon, en Corée du Sud ou encore à Taïwan. Il imprègne profondément les référents culturels traditionnels propres à ces pays, souvent de manière inconsciente, ainsi que la nature des rapports sociaux.

L’ « harmonie » qui cache la soumission

Le confucianisme, en tant qu’idéologie au service de la classe dominante et des puissants (les hommes, les aînés, les chefs), a été promu par les élites de l’époque avec brio, permettant de façonner un peuple soumis, facilement gouvernable et obéissant à l’autorité, à partir de la sphère privée familiale vers la sphère publique au niveau politique. L’« harmonie », que prônent Confucius et les tenants de la doctrine, n’est donc qu’une harmonie de façade, qui cache en réalité une domination patriarcale et bourgeoise, permise par une soumission et une obéissance totale des exploité-e-s à leurs dirigeants toute forme de contestation ou de révolte étant bannie dans l’idéal confucéen. Toute opposition se trouve en effet cadenassée, au nom de cette sombre harmonie, de cette hiérarchie sociale hermétique et de ces valeurs de renoncement, de résignation et de soumission au nom de la discipline conformiste prônée par l’équilibre confucéen.

Bref, de la même manière que l’ensemble des religions et des ordres moraux qu’elles instituent, le confucianisme doit être compris comme une idéologie mortifère à abattre pour les révolutionnaires libertaires asiatiques, pour l’émancipation des femmes et la mise en place de relations égales et libres entre les différents membres de la société, dans les systèmes de production comme dans la famille.

François, Brest (ami d’AL)

 
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