Guinée : Dadis Camara : un nouveau Sékou Touré est né




Après la tuerie du 28 septembre, le capitaine-dictateur a montré qu’il était capable d’égaler, dans la barbarie et la mégalomanie, l’ancien tyran Sékou Touré, qui terrorisa le pays jusqu’en 1984. L’opposition appelle à l’aide.

Le 28 septembre, la garde présidentielle de Moussa Dadis Camara réprimait dans le sang une grande manifestation pacifique exigeant des élections libres en Guinée. Le bilan, encore provisoire, est terrible : près de 200 morts, plus de 1 500 blessés. Comment en est-on arrivé là ?

Le 22 décembre 2008, une maladie emportait le dictateur Lansana Conté, au pouvoir depuis 1984. Le lendemain, un putsch militaire plaçait à la tête de l’État le capitaine Moussa Dadis Camara, un militaire craint par ses pairs, connu pour avoir maté plusieurs mutineries. Arrivé au pouvoir, il promet cependant la rupture. Il annonce des élections libres en 2010, et affirme qu’aucun membre de la junte militaire ne s’y présentera. Il fait emprisonner d’anciens dignitaires du régime, fustige le pillage des matières premières – le sous-sol de la Guinée est très riche, notamment en bauxite –, promet de renégocier les accords avec les multinationales minières. Puis, à la Hugo Chávez, Dadis Camara prend l’habitude d’intervenir chaque semaine à la télévision. Un « Dadis Show » où il est souvent surexcité, et dont certains passages exubérants circulent sur internet.

« Dadis Show »

Après quarante ans de dictature, tant de promesses démocratiques agissent comme une bouffée d’oxygène. Mais au fil des mois, l’inquiétude grandit : Dadis Camara prend manifestement goût au pouvoir. Dès l’été 2009, il envisage finalement de se présenter aux élections de 2010, voire de se maintenir au pouvoir de fait. En réaction se crée le Forum des forces vives de Guinée (FFVG) qui rassemble la quasi-totalité des grands leaders d’opposition (dont des anciens bras droits de Lansana Conté), des associations de droits de l’homme, des personnalités publiques et des syndicats (dont la Confédération nationale des travailleurs et l’Union syndicale des travailleurs de Guinée, qui avaient conduit la grève générale de 2007. Le 28 septembre, le FFVG manifestait pour rappeler à Dadis Camara ses promesses. C’est la tuerie : l’armée tire dans la foule massée au stade, des femmes sont violées, les maisons d’opposants pillées. C’est le coup d’envoi d’une chasse aux opposants qui se poursuit. Dernier en date : Sadio Diallo, un des leaders de la jeunesse, assassiné le 18 octobre. L’heure est à l’exil ou à la clandestinité. La population, dans sa majorité, est tétanisée.

Et la France ?

Dans ce climat de terreur, le FFVG tente de maintenir sa cohésion. L’intersyndicale a lancé une opération ville morte, paralysant l’économie. L’Onu a lancé une commission d’enquête. L’Union africaine menace Dadis Camara de sanctions, comme la plupart des pays occidentaux. Dont la France, longtemps soutien de Lansana Conté, qui vient de demander le départ de ses ressortissants. Après avoir soutenu les putschs de Mamadou Tandja au Niger, d’Abdel Aziz en Mauritanie et d’Ali Bongo au Gabon, le Quai d’Orsay semble vouloir se refaire une vertu à bas prix, signe sans doute d’un agenda diplomatique surchargé. Seule pression sérieuse : la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest vient de lancer un embargo sur les armes et désigné un médiateur, Blaise Compaoré, président du Burkina Faso. Quand on sait que Blaise Compaoré est parvenu au pouvoir en 1987 par l’assassinat de Thomas Sankara et la répression de milliers de ses partisans, on ne peut qu’être pessimiste pour la suite des évènements… et rêver d’un réel soutien international, qui reste à construire.

Samuël Foutoyet (Survie)

• Samuël Foutoyet est l’auteur de Nicolas Sarkozy ou la Françafrique décomplexée, éditions Tribord, 2009

 
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