1932-2019

Jacques Chirac, débonnaire et réac




[Vidéo] Chirac, ce n’était pas seulement le roi fainéant rigolo qui descendait des caisses de Corona et tapait sur le cul des vaches au Salon de l’agriculture...

C’était aussi une carrière bâtie sur les trahisons, les postures nationalistes, une politique antisociale, des réflexions de beauf nauséabondes, l’argent de la Françafrique, des casseroles financières à n’en plus finir...

C’était aussi la transition entre le gaullisme et le sarkozysme.

Ci-dessous, une rétrospective en 17 vidéos.


C’est archiconnu, mais on ne peut résister. A l’époque, Chirac est un jeune loup du parti gaulliste, l’UDR, et un protégé du président Pompidou, qui l’a fait nommer ministre délégué. Georges Marchais, secrétaire général du PCF, l’envoie bouler en direct, lors d’une émission de télé. On était loin du style de Pierre Laurent et Fabien Roussel...

Attention perfidie : en 1974, en pleine campagne présidentielle, Chirac décide d’assassiner le candidat gaulliste officiel. Entraînant avec lui une partie des députés gaullistes (c’est « l’Appel des 43 »), il soutient la candidature du libéral Valéry Giscard d’Estaing. Pari gagnant : Giscard est élu, Chirac devient Premier ministre. Chaban est à terre, Chirac en profite pour s’emparer de la direction du parti. C’est l’adieu à la vieille garde gaulliste issue de la Résistance, et le passage à une jeune génération formée à l’ENA.

Bon, entre Giscard et son Premier ministre, ce n’est pas le grand amour... Chirac démissionne de la primature en 1976, et mène ensuite une guerre permanente contre l’Élysée. Le RPR ira jusqu’à recommander à ses militants de voter Mitterrand, en 1981, pour chasser Giscard...

Chirac rebaptise le parti gaulliste. Lors du meeting fondateur du Rassemblement pour la république (RPR), le 5 décembre 1976, il prononce un discours nationaliste qui emprunte à la rhétorique barrésienne et maurrassienne d’antan. Il se forge bientôt une image de figure de proue de la réaction, débordant Giscard sur sa droite.

A l’approche des élections européennes, le RPR développe une ligne violemment souverainiste. Raté : le parti encaisse un mauvais score, arrivant en 4e position derrière l’UDF, le PS et le PCF. Après cela, Chirac va opportunément adopter une ligne pro-Communauté européenne.

Le dictateur gabonais Omar Bongo a expédié des valises de billets à tous les politiciens français, PS comme RPR, dont il voulait s’assurer la complicité. A sa mort, en 2009, on reparle du soutien sonnant et trébuchant qu’il a apporté à la candidature Chirac en 1981. En 2002, François-Xavier Verschave, de l’association Survie, consacra un livre à décrypter ses réseaux françafricains : "Noir Chirac".

Bon, séquence patrimoniale, uniquement dans le but d’édifier les jeunes générations qui n’ont pas connu le "Bébête Show". Chirac s’y nomme Blackjack. C’est lourdingue, mais cette émission satirique quotidienne était un rendez-vous télévisé incontournable à l’époque de la "première cohabitation", quand un président PS, Mitterrand, était obligé de gouverner avec un Premier ministre RPR, Chirac.

Lors du débat télévisé du 28 avril 1988, en vue du 2e tour de la présidentielle, Chirac et Mitterrand se renvoient la responsabilité de la montée du mouvement anticolonialiste en Kanaky. Sept jours plus tard, l’armée française donne l’assaut contre la grotte d’Ouvéa et abat 19 indépendantistes.

Difficile de passer sous silence ce morceau de Parabellum : « L’aut’ matin j’me suis réveillé /Dans l’mond’ d’la libr’ entreprise... » Bon, ça aurait tout aussi bien pu s’appeler "Anarchie en Mitterrandie"...

Lors d’un banquet du RPR à Orléans, Chirac postillonne sa vision des immigré.e.s en France. Jean-Marie Le Pen boit du petit lait ! Et Zebda en tirera une célèbre chanson.

A la présidentielle de mai 1995, il y a deux candidats gaullistes en concurrence : Balladur (alors au sommet dans les sondages) et Chirac (donné perdant). Opportuniste comme toujours, Chirac double son concurrent sur la gauche, en faisant campagne contre la « fracture sociale », et en faveur de « la France pour tous ». D’où ce sketch des "Guignols de l’info", au meilleur de leur forme.

A peine élu président, Chirac annonce la reprise des essais nucléaires en Polynésie française, sur les atolls de Mururoa et Fantgataufa. Cela provoque des manifestations en France et des émeutes en Polynésie. « Il est fini, le temps des colonies » ! titre alors Alternative libertaire. Les essais prendront fin début 1996.

Chirac engueulant la police israélienne qui l’empêche d’approcher la population palestinienne à Jérusalem : cette scène culte l’a presque fait passer pour un propalestinien (ce qu’il n’était pas...). Sept ans plus tard, le refus de suivre les États-Unis dans la guerre contre l’Irak devait consacrer sa popularité au Moyen-Orient.

Le 21 septembre 2000, Le Monde publie les révélations enregistrées peu avant sa mort sur une VHS par Jean-Claude Méry, financier occulte du RPR dans les années 1980-1990. La bombe est telle que Chirac réagit le jour même à la télé, dans une séquence d’anthologie. Il sera couvert par la justice, le juge Halphen dessaisi du dossier, et le dossier proprement enterré.

Ah la la, encore une sombre affaire : plus de 300.000 euros de billets d’avion à l’œil, pour des voyages d’agrément... On a oublié le détail de l’affaire, mais il en restera une onomatopée célèbre.

La légende dit que les "Guignols de l’info" ont quelque peu culpabilisé d’avoir donné à Chirac une image sympathique lors de la campagne présidentielle de 1995, aidant à le faire élire. Du coup, pour celle de 2002, ils se rachètent une conduite avec le personnage de Supermenteur, qui réussit toujours à déjouer les enquêtes de la justice sur ses malversations. Chirac réunit 19% des suffrages au premier tour et, à la surprise générale, se retrouve face à Jean-Marie Le Pen. On connaît la suite : au 2e tour, le pays indigné inflige un score de seulement 18% au FN... mais de 82% à Supermenteur.

Les deux quinquennats de Jacques Chirac ont résonné du bruit de multiples casseroles financières. Son immunité présidentielle lui permettra toujours de s’en sortir, avec l’approbation tacite du PS (faudrait pas écorner l’image de la France !). Après son départ de l’Élysée en 2007, et donc la fin de l’immunité, la justice mettra encore longtemps avant de réussir à coincer la queue du renard. En décembre 2011, à près de 80 ans, il sera enfin condamné à deux ans de prison avec sursis pour une vieille affaire de détournement de fonds publics. Entre-temps, les Guignols (encore eux) s’en étaient donné à cœur joie.

 
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