La Poste : Démantèlement programmé




Le 20 janvier 2005 les députés ont programmé le démantèlement du service public postal, en adoptant des dispositions qui devraient finir d’effondrer l’édifice public, déjà bien ébranlé.

En 1997, une première directive postale européenne avait ouvert à la concurrence, au 1er janvier 2003, le marché du colis et les correspondances de plus de 150g, ou de plus de 5 fois le prix du timbre de base. La poste en a immédiatement tiré les conséquences. Des dizaines de bureaux de Poste, notamment en zone rurale, ont d’abord réduit leurs horaires d’ouverture pour manque de rentabilité.

Dans la foulée, la pression est mise sur les collectivités locales pour prendre en charge le maintien du bureau de Poste ou le perdre au profit d’un point relais chez un commerçant, avec des prestations réduites. Un service public directement lié, non plus aux besoins, mais aux moyens des usagers desservis, dans la logique des lois de décentralisation.

Le réseau des centres de tri est en voie de réorganisation, autour d’une poignée de plates-formes régionales, très fortement mécanisées pour privilégier le traitement des grandes masses de courrier industriel. Objet de contrats avec tarifs préférentiels, délais garantis (et clauses de remboursement si les délais ne sont pas tenus), ce courrier, émis par les plus importants déposants, est traité prioritairement au courrier « ordinaire ». Une brèche dans l’égalité de traitement et la péréquation tarifaire, telle qu’on a pu la voir à l’œuvre dans d’autres services publics.

Les conséquences impactent la distribution du courrier, la qualité du service, l’emploi et les conditions de travail des facteurs : dépréciation du travail, allongement des tournées de distribution, modulation des effectifs en fonction de la charge de travail prévue, avec une forte pression sur l’augmentation du travail le samedi.

En vue de son démantèlement, la Poste a séparé ses différentes activités en branches autonomes. Séparations qu’elle a traduit au plan social, par une série d’accords par métiers, qui ont tous en commun un point essentiel : sous couvert de dé-précarisation de l’emploi, aucun n’évoque la question du recrutement alors que dans les trois ans à venir des dizaines de milliers de postier(e)s seront retraitables. Le premier de ces accords, au courrier, a été signé, fin 2004, par la CGT, FO, CFDT et CFTC (Sud, 2e organisation syndicale, n’a pas signé cet accord qualifié d’historique par la direction).

L’Europe libérale se construit aussi à Paris

Nouveau coup d’accélérateur contre « le premier service public de proximité », les députés ont transposé, le 20 janvier, la directive (Bolkenstein) européenne de 2002, credo d’une l’Europe libérale en matière de services publics. Au menu, l’ouverture totale des activités postales au marché en 2009, avec une phase intermédiaire en 2006.

Le texte adopté balise le terrain par une série de mesures régressives. Pour le réseau des bureaux de Poste, désormais « 10% de la population d’un département ne pourra se trouver à plus de 5 kilomètres d’un point de contact », sans pour autant assurer qu’il s’agisse de bureaux de Poste ou de commerçants. La création d’un fonds de péréquation territoriale, financé uniquement par La Poste, pourrait d’ailleurs faciliter l’externalisation de ses activités, en finançant les gérants de points poste !

Le Parlement ne fixe aucune contrainte pour les futurs entrants sur le marché du courrier : banalisation des envois recommandés ; refus d’obliger les opérateurs d’assurer une desserte conséquente du territoire ; refus de garantir un prix unique du timbre sur l’ensemble du territoire. Les députés encouragent ainsi l’écrémage des marchés. Pour rester compétitive, La Poste devra donc faire des économies sur une part de ses activités et sur ses agents.

La mesure la plus spectaculaire est la transformation des services financiers en une banque postale, au prétexte d’élargir la gamme de ses prestations en matière de crédits. Demain, filialisée, elle fera comme toute autre banque, la course aux clientèles les plus solvables et le rejet des populations les plus démunies, d’autant que la loi autorise l’ouverture de son capital, et donc la course aux dividendes !

Enfin, la loi met en place une autorité de régulation, émanation de l’ART (autorité de régulation des télécommunications) qui fut un véritable « cheval de Troie » de la concurrence dans le secteur des télécoms jusqu’à la privatisation totale du secteur.

La mobilisation continue

Les grèves et manifestations des 18, 19, 20 janvier et 5 février, si elles ont marqué le retour d’une re-mobilisation sociale contre les attaques gouvernementales, ne sauraient rester sans suite. Dans ce contexte, l’appel des collectifs de défense des services publics à une mobilisation nationale le 5 mars à Guéret peut contribuer à développer une dynamique large et unitaire. De même, la campagne pour un non majoritaire au référendum sur le traité constitutionnel européen est un élément essentiel.

Encore faut-il que ces échéances ne soient pas des fins en soi, mais des éléments dynamiques d’un rapport de force, dont le dénouement se jouera, immanquablement, sur le terrain social.

R. V.

 
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