La critique cinéma de Cluny : « L’Arbre et la forêt »




À l’occasion des obsèques de leur fils Charles, Frédérick et Marianne reçoivent leur famille dans la propriété de Sologne. Guillaume, le fils cadet, s’en prend violement à son père qui n’est pas allé à l’enterrement. Après le départ de Guillaume, Delphine, la fille de Charles, reste quelque temps avec son ami pour essayer de percer le secret douloureux qui semble expliquer l’antagonisme entre Frédérick et ses fils.

L’Arbre, c’est le premier que Frédérick a planté quand il est arrivé dans ce coin de Sologne au sortir du camp de concentration de Schirmeck en 1943 ; la forêt, c’est celle qui l’entoure et le protège des hommes, et où la vérité se reconstruit lentement au cours des promenades qu’y font les membres de cette famille au bord de la crise de nerfs. C’est aussi bien sûr l’arbre qui cache la forêt, ici le secret qui pèse sur tous. C’est enfin l’activité de sylviculture qu’exerce Frédérick, qui s’inscrit dans la durée et dans ce que Jacques Martineau appelle une chaîne de transmission. « Or, ici, dit-il, la transmission est brisée. Le travail accompli depuis des générations s’effondre à cause de son secret trop tardivement révélé. »
Le secret, est la cause de la déportation de Frédérick, envoyé à Schirmeck pour homosexualité, où il était « méprisé par tous, à commencer par les autres détenus ».

Le film démarre très brutalement, avec une scène où un Guillaume éméché balance à son père « Tu nous fais honte ! » Là, on se dit qu’on va devoir supporter un énième drame psychologique français, dans une ambiance de bourgeoisie de province à la Chabrol. Et puis, rapidement, les réalisateurs installent une autre ambiance, avec des plans comme ceux où Frédérick écoute Wagner, qu’il ne veut pas laisser à ses bourreaux, ou des moments de confidence entre Marianne et sa belle-fille.
C’est une particularité de ce film que les monologues des confessions de Frédérick et de Marianne réussissent ce que les dialogues surexplicatifs ne parviennent pas à faire, à savoir créer une réelle émotion ; car, comme le dit Olivier Ducastel, « Même si a priori, ce n’est pas évident, écouter des récits au cinéma peut être passionnant. Nous ne devions pas avoir peur de mettre en scène de longs récits. »

La volonté démonstrative amène à insister lourdement sur l’homophobie des fils, ou à décrire une peur du « qu’en-dira-t-on » qui semble d’un autre âge. Mais, malgré ces défauts dus à une volonté de convaincre, L’Arbre et la Forêt, Prix Jean Vigo 2009, a le mérite de traiter d’une question oubliée de l’histoire officielle, tout en réussissant à émouvoir par la grâce des moments anodins.

  • L’Arbre et la forêt, de Olivier Ducastel, Jacques Martineauavec Guy Marchand, Françoise Fabian, 97 min, 2008. Sortie en salles le 3 mars.

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