Culture

Lire Alban Beaudoin et Jean-Loup de Saint-Phalle, Le coût de la mort : La Sécurité sociale jusqu’au bout




Si les frais de naissance d’un être humain doivent être pris en charge par la Sécurité sociale, pourquoi ceux de la mort ne devraient-ils pas l’être ? Alban Beaudoin et Jean-Loup de Saint-Phalle, fondateurs du collectif Pour une Sécurité sociale de la mort, défendent en tout cas ce point de vue dans un livre, Le coût de la mort, et dans leurs conférences gesticulées nommées Une danse macabre.

Le livre porte des réflexions intéressantes sur la situation inégalitaire lorsqu’un proche meurt. La mort, tout type d’obsèques, de tombes ou encore d’inhumations et de crémations confondus, coûte très cher et est un moyen de distinction sociale (il suffit de regarder les différences visibles dans un même cimetière). L’après-vie porte en elle la question de classe. Pendant ce temps, les entreprises de pompes funèbres maintiennent la mort lucrative, pris dans la recherche de profit et les impératifs de rentabilité. Si le deuil est une douleur universelle, ceux et celles qui souffrent le plus des difficultés sociales, de pauvreté ou de validisme, sont encore celles et ceux qui, en proportion de leurs revenus, dépensent le plus après la perte d’un ou une proche.

Les auteurs parlent donc d’un projet de « Sécurité sociale jusqu’au bout », car la mort faisant partie de la vie, pourquoi limiter la Sécu’ aux branches existantes ? Après le projet d’une Sécurité sociale de l’alimentation qui se diffuse depuis quelques années, une branche de la mort, financée également par les cotisations sociales, couplée à une socialisation des entreprises funéraires qui ne devraient plus relever du domaine privé, pourrait être une revendication de notre classe. L’idée fait en tout cas son chemin mais est encore bien trop peu médiatisée. Il appartient donc à nous, militants et militantes, de parler et de débattre du sujet. Ce livre, ainsi que les conférences gesticulées du collectif, sont un moyen de comprendre cet enjeu qui parle à toutes et tous, et ce, dans un langage accessible. On pourra apprécier également la place donnée aux témoignages de proches endeuillées, les réponses apportées par les auteurs, ainsi que les références mythologiques comme titres de chapitre pour illustrer le propos : « L’obole de Charon », « Le statut d’Anubis ». Parce qu’en effet, il n’est aucune culture, aucun peuple qui n’ait eu à organiser les enjeux liés à la mort. À ce titre, mentions sont faites de certains modes d’organisation d’anciens peuples où il aurait été impensable que la mort soit un marché. Des exemples actuels tels que la ville de Genève montrent aussi qu’une prise en charge par la collectivité n’est pas une utopie. L’expérience de la coopérative funéraire de Rennes évoquée dans nos colonnes [1] est un exemple d’entreprise qui pourrait être conventionnée par la Sécurité sociale de la mort.

Enfin, les conditions de travail et revendications des salariées du secteur funéraire ne sont pas oubliées par les auteurs. Si la lutte des classes s’y développe peu, elle n’est pas inexistante. Un front commun avec les endeuillées pour un contrôle populaire et une socialisation peut être imaginé.

Marius (UCL Toulouse)

  • Alban Beaudoin et Jean-Loup de Saint-Phalle, Le coût de la mort : La Sécurité sociale jusqu’au bout, 2025, éditions du Détour, 139 pages, 14,90 euros.
 
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