Culture

Lire André Léo, La Guerre sociale




Devant le Congrès de la paix de Lausanne, en septembre 1871, André Léo (1824-1900), exilée en Suisse après avoir échappé à la répression de la Commune de Paris, s’exprime pour réhabiliter les victimes de ces semaines révolutionnaires, alors que la propagande s’acharne à les salir. Elle dénonce les massacres, leurs instigateurs et leurs complices.

Après leur avoir rappelé que « les guerres, faussement appelées nationales, ne sont que des guerres monarchiques », elle appelle les congressistes à condamner une autre sorte de conflit : la guerre civile, qui existe en France depuis 1848, puis s’emploie à briser le torrent de calomnies qui étouffe la vérité : « On a flétri du nom d’assassins les assassinés, de voleurs les volés, de bourreaux les victimes. » Elle soutient que « l’ordre véritable a existé pendant ces deux mois, où Paris fut tout entier dans la main du pauvre » et accuse les monarchistes d’avoir prévu de « déblayer » Paris du peuple armé qui l’occupait, délibérait et s’administrait, dès avant le 18 mars.

Ce fut « de l’aveu même de tous les journaux modérés […] une provocation ». Alors que 93 est encore une fois utilisé comme épouvantail, elle demande : « Quel mois de 93 vaut cette semaine sanglante, pendant laquelle 12 000 cadavres – ce sont leurs journaux qui le disent – jonchèrent le sol de Paris ? » Elle appelle à une large union « contre l’ennemi de la paix sociale et dans la réalisation d’un programme commun », car « il n’y a en réalité que deux partis en ce monde : celui de la lumière et de la paix par la liberté et l’égalité ; celui du privilège par la guerre et par l’ignorance ».

Cette dénonciation des complicités acharnées d’une « petite caste » à défendre ses privilèges quoi qu’il en coûte, contre les résistances et les revendications de justice sociale, outre son intérêt historique – premier témoignage à chaud d’une participante de la Commune –, étonne par son actualité.

Ernest London (UCL Le Puy-en-Velay)

  • André Léo, La Guerre sociale, Bas du Pavé, avril 2025, 84 pages, 7 euros.
 
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