Lire : « L’identité malheureuse » d’Alain Finkielkraut




Nous n’avons pas pour usage de faire de la publicité pour les ennemis de notre courant et plus largement de l’ensemble des travailleurs et des travailleuses. Néanmoins, critiquer la fange qui tient lieu de pensée à Finkielkraut nous parait important étant donné que malheureusement ce « philosophe  » a un peu d’influence…

Philosophie réactionnaire : Finkielkraut, le maurassien honteux

Dans son dernier ouvrage, Finkielkraut prétend faire une synthèse sur la société française d’aujourd’hui. En fait de livre, c’est plutôt
d’une série de chapitres qu’il s’agit. Tout d’abord, l’auteur manifeste une obsession du voile islamique ce terme revient 43 fois !

Toutefois, on se tromperait à croire qu’il n’existe pas de fil conducteur. Finkielkraut est connu pour son hostilité à tout ce qui renvoie aux banlieues, aux jeunes, à l’immigration. Mais ce n’est là qu’un aspect, émergé, des choses. Finalement, les occurrences qui les signalent ne sont pas aussi nombreuses que l’on aurait pu le penser. Sa thèse, très simple, est aussi plus générale : Finkielkraut déteste son époque et tout ce qui la caractérise : la culture rap, le langage « ordurier », internet, le métissage, les profs qui parlent comme leurs élèves en redoublant le sujet d’une phrase...

Il exprime la nostalgie d’une France imaginaire, reconstruite, qui mêle l’ancien régime (les monarchies sont qualifiées pour les besoins de la cause de «  civilisées  ») qu’il exalte, les débuts de la domination bourgeoise qui accordait une part aux Humanités dans l’éducation de ses enfants, et l’école intégratrice de l’immédiate après seconde guerre mondiale.

Sans le dire clairement, il ressort de ce livre que Finkielkraut est un maurrassien. Il en ressort un texte bizarre, confus, où des choses contradictoires peuvent être affirmées le tout en s’affichant toujours républicain et progressiste tout en proférant les lieux communs les plus réactionnaires.

La trame de chaque affirmation est la suivante :

 Etape A : Affirmer que l’«  on n’est plus chez soi  ». Durant cette étape, attaquer un « adversaire » imaginaire fabriqué sur mesure : tout désaccord ne pourrait être que le fait de «  bobos bien-pensants  ».

 Etape B : Nier ce qui a été dit précédemment : non, ce n’est pas Maurras, jamais on n’affirmera que l’on n’est pas chez soi. D’ailleurs, ne suis-je pas moi-même d’origine juive, et fils de déporté ?

 Etape C : Réaffirmer que tout de même, on n’est plus chez soi.

Ce type d’exposition peut passer, pour celui qui ne voit pas la contradiction, comme « un point de vue nuancé », alors qu’il ne s’agit que d’une stratégie de désarmement pour se mettre à l’abri des critiques. Et c’est sans pudeur aucune qu’il exhibe ses parents et leur passé de déportés comme alibi pour s’abriter derrière un statut insoupçonnable : comment lui, fils de pauvres juifs immigrés, pourrait-il être suspecté de cultiver la nostalgie de la France d’autrefois et le rejet des nouveaux métèques ?

C’est pourtant ce qu’il fait. Son idiotie transparaît dès lors qu’il s’agit d’entrer dans le détail de sa démonstration,. Finkielkraut mythifie le passé et déforme le présent : les immigrés étaient-ils jugés plus « intégrables » autrefois ? Quand on songe aux pogroms qu’ils eurent à subir depuis 200 ans (au moins) rien n’est moins sûr !

Mais comment pourrait-on parler d’incompétence de la part de quelqu’un capable de citer 158 auteurs, c’est-à-dire en moyenne plus d’un toutes les deux pages ? A ce niveau, ce n’est plus de l’érudition, c’est de la ventriloquie ! La compulsion de Finkielkraut pour les citations, qui se vérifie durant les interviews qu’il accorde, s’explique à la fois par le besoin d’en imposer, et de confirmer sa légitimité au regard des humanités dont il se fait le chantre.

La description que fait Finkielkraut des « bobos » prête à sourire, bien qu’il ne la développe pas tant elle lui va bien. Car Finkielkraut, bon élève, n’a jamais subi les difficultés de la vie. Jamais chômeur, sans difficultés économiques, titulaire de positions institutionnelles prestigieuses à l’école polytechnique et à France Culture. Les difficultés à enseigner ne s’expliquent que par les incivilités dont on trouve l’origine dans Mai-68. Le problème vient de l’autre, le grand pêché n’étant plus la xénophobie mais son inverse, qu’il nomme pompeusement « oikophobie  » : une autre façon de dénoncer le « racisme anti-blancs ».

Aucune idée nouvelle dans ce livre, donc. Reste le titre. D’identité malheureuse, il n’est pas tellement question dans ce livre. Si le mot identité revient à 32 reprises, pourquoi malheureuse ? S’agit-il seulement de
l’état d’âme de l’auteur, ou le titre a-t-il été imposé par l’éditeur, ce qui est toujours possible ?

On ne s’étonnera pas, a contrario, du succès du terme « identité » dans les partis fascistes : sous l’impulsion de Bruno Mégret, le Front national a donné ce nom à sa revue théorique, tandis que sa frange la plus à droite s’est elle-même nommée « les identitaires ». Car Finkielkraut et le Front national partagent, outre une apologie d’une France imaginaire passée, la haine du métissage. Cela suffira-t-il à autoriser l’adhésion de Finkielkraut à ce parti ? Sans doute pas, car trop de préventions existent, et ce serait là se désavouer dans ses professions de foi républicaines. Mais l’essentiel n’est pas là : il est dans les confusions que ce livre entretient, et qu’il légitime. Car Finkielkraut n’est pas un penseur, mais un ramasseur des idées reçues de son époque qu’il ne fait que mettre en forme et qu’il habille d’un verni d’humanités. Dans cette mesure, Finkielkraut prépare les prochaines avancées de l’extrême-droite en lui décernant des lettres de noblesse.

Jean Ferrette (Ami d’AL)

Finkielkraut Alain, L’identité malheureuse, Stock, 2013, 240 pages, prix libre.

 
☰ Accès rapide
Retour en haut