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Lire : La Révolution prolétarienne




Les éditions Syllepse nous gratifient d’un témoignage mémoriel de première importance en publiant cette rétrospective de la revue La Révolution prolétarienne. Cent années d’écrits, d’analyses, de ressentis et de participation au mouvement ouvrier. Des signatures émérites ponctuent cet ouvrage : Ida Mett, Daniel Guérin, Albert Camus, Anton Ciliga, ­Marceau Pivert, Boris Souvarine, Fernand Loriot… et bien sûr Pierre Monatte.

« La revue qui n’a pas observé le mouvement ouvrier mais qui l’a vécu » : la formulation est belle et exacte. De 1925 à 2025, ce sont des regards critiques qui s’entrecroisent, espérant servir la réflexion du mouvement ouvrier.

« Dans le tourbillon actuel, vous n’arrivez pas à voir clair et à trouver votre chemin. Il vous faudrait une boussole, c’est une théorie... Vous voulez des raisons d’espérer… »

La Révolution prolétarienne se définissait dans ce champ de recherches d’explicitation du monde qu’elle vivait, subissait et traversait. Ce livre est un compendium, une brève synthèse d’une démarche collective qu’on ne peut ici résumer sans trahir. Le premier des enseignements réside dans la forme plurielle et pluraliste des auteurs participants et acteurs du mouvement social. De nos jours, on la qualifierait de laboratoire critique d’idées. Née en 1925, La Révolution prolétarienne est fille de son temps, marquée fortement par la Révolution russe et le « communisme ». Une large partie des écrits posent les questions afférentes à cet événement. Les conséquences immédiates de cette révolution conduisirent à poser d’autres inter­ro­gations telle la bolchevisation ou les relations entre partis et syndicats. L’équipe rédactionnelle des éditions Syllepse a opté pour un parcours thématique des écrits de la revue.

Après un rapide survol des « origines de La Révolution prolétarienne » : suivi d’un exposé de « l’esprit » de la revue, l’ouvrage s’attelle à ce qui est un des axes de la Révolution prolétarienne à savoir les tentatives d’unification syndicale. Ces trois chapitres sont essentiels pour aborder la conception qui anime la revue.« Elle veut fournir aux travailleurs les moyens de construire leur propre opinion, d’édifier leur propre jugement, de déterminer librement et volontairement les conditions de leur action autonome[…] Nous ne demandons pas aux travailleurs qui nous liront de “croire en nous” et de nous suivre. Nous leur demandons, aujourd’hui comme hier, de “croire en eux” et de suivre les décisions de leur propre conscience. »

Une coopérative intellectuelle, tel est l’axe de la revue, des regards croisés, des interrogations multiples … son ancrage idéologique est à situer dans la continuité de la première internationale : l’émancipation des travailleuses et travailleurs sera leur œuvre propre.

Fixés l’esprit et les convictions premières qui animent La Révolution prolétarienne, l’équipe rédactionnelle des éditions Syllepse balaie un panorama thématique : l’internationalisme, la laïcité, l’autonomie syndicale, les grèves, le féminisme, l’écologie, le communisme, la guerre et l’après, l’histoire du mouvement ouvrier, etc.

Voyages pluriels aux côtés des plus grands noms de la littérature prolétarienne, un enjeu mémoriel majeur pour les militantes et militants, mais aussi pour l’ensemble du mouvement ouvrier, mémoire du syndicalisme révolutionnaire fondamentale en période de réformisme et de confusionnisme idéel.

Dominique Sureau (UCL Angers)

  • Stéphane Julien, Christian Mahieux, La Révolution prolétarienne (1925-2025),« La revue qui n’a pas observé le mouvement ouvrier mais qui l’a vécu », Syllepse, Collection Les Utopiques, janvier 2025, 280 pages, 18 euros.
 
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