Lire Olivier Besancenot et Michael Löwy, Marxistes et libertaires

Les éditions Libertalia viennent de ré-éditer un livre d’Olivier Besancenot et Michael Löwy, Affinités révolutionnaires, initialement publié chez Mille et Une nuits en 2014. Le livre lançait un appel pour un marxisme libertaire. Un débat qui nous interpelle ! L’occasion d’un bilan onze ans plus tard et d’une question : quoi de neuf dans le ciel des étoiles rouges, noires et bicolores ?
En lisant les deux versions du livre, nous découvrons un texte quasi identique, y compris l’avant-propos et la conclusion. Sur la couverture, la phrase « pour une solidarité entre marxistes et libertaires » a disparu. Dommage. Seul changement notable : l’éditeur a ajouté en références les livres, souvent excellents, qu’il a publiés à propos de personnages ou d’évènements évoqués au fil des pages. Mais on ne saura pas si les auteurs les ont lu entre-temps. Vous pouvez donc relire les articles écrits dans AL en octobre 2014 [1] avant d’aller plus loin.
Des divergences d’analyses
Tout le livre est fait d’ambiguïtés et d’à peu près. Par exemple, les auteurs expliquent que les divergences entre Marx et Bakounine débouchent sur le « transfert » du siège de l’Association internationale des travailleurs (AIT) à New-York en 1872 et sur la création par les anarchistes de leur propre internationale, gardant le nom d’AIT. Sans comprendre que ce geste de Marx est fondateur d’une conception autoritaire de l’organisation politique. Marx préfère saborder l’Internationale qu’en perdre le contrôle alors que les courants « anti-autoritaires » devenaient majoritaires et qu’ils étaient légitimes à garder l’héritage de l’AIT.
Geste fondateur du fonctionnement des organisations léninistes dans leurs variantes staliniennes, trotskistes ou maoïstes dont un des sommets se trouve chez Trotski en 1938 dans le Programme de transition : « la crise historique de l’humanité se réduit à la crise de sa direction révolutionnaire ». En effet, si le rôle du parti est de diriger la révolution, la conquête de la direction du parti est décisive. Nous touchons là un point central de nos divergences entre marxistes autoritaires et marxistes libertaires sur l’auto-organisation des masses, le rôle et le fonctionnement de l’organisation politique et la question de l’État. L’État doit-il être conquis par le parti pour le mettre au service du prolétariat ou doit-il être détruit pour qu’il ne soit pas utilisé contre le prolétariat ?
De quelles anarchistes parle le livre ?
Au fil des pages sont allègrement mélangés les bons points et les mauvais sans base sérieuse. Quelles sont les différences entre courants libertaires ? Quelles divergences entre courants marxistes ? Voilà un préalable indispensable. Il est écrit que l’AIT continue de fédérer « les anarchistes », quelle blague ! Surtout sans évoquer l’existence du réseau international de la Fédération anarchiste (IFA) ni celle d’Anarkismo (réseau international de l’UCL). Méconnaissance absolue du sujet ou volonté de brouiller les cartes ? Car en fait les marxistes libertaires existent déjà en France et se retrouvent essentiellement dans l’UCL.
Et maintenant, que faire ?
Les auteurs caricaturent aussi nos positions sur les élections, mais prétendent néanmoins cette divergence mineure. Les élections seraient simplement l’occasion de faire de la propagande révolutionnaire. C’est vrai pour LO. Mais pas pour le NPA qui cherche régulièrement des alliances avec les organisations réformistes. Ce constat ne pose pas d’anathème, mais une divergence sérieuse pour quiconque se voudrait « marxiste libertaire ».
Donc, depuis la publication de 2014, rien n’a bougé. Nous avons des relations unitaires normales entre l’UCL et le NPA comme avec d’autres forces politiques. En expédiant la critique du livre dans l’Anticapitaliste (journal du NPA-l’Anticapitaliste) en quelques lignes écrites par un ancien d’AL, le NPA montre son peu d’intérêt pour ce débat. Nous restons prêtes et prêts à l’approfondir à tout moment.
Jean-Yves (UCL Limousin)
- Olivier Besancenot et Michael Löwy. Marxistes et libertaires, Libertalia, 2025, 224 pages, 10 euros.






