Loi du 5 mars 2014 : Volet « démocratie sociale » : ni démocrate ni social




La loi du 5 mars 2014 comprend un chapitre sur la « démocratie sociale » qui porte bien mal son nom. Prétendant réformer le financement des syndicats, il maintient en réalité la mainmise des grosses confédérations et risque fort de contribuer à éliminer les petites organisations syndicales, et surtout de mettre en situation difficile les petites structures, telles les unions locales.

A en croire son intitulé, la loi du 5 mars 2014 traiterait de la formation professionnelle, de l’emploi et de la démocratie sociale. Sur le premier point, nulle avancée, bien au contraire ; l’emploi ne saurait être amélioré à travers les mesures du gouvernement qui sert le Medef ; qu’en est-il du chapitre abusivement intitulé « démocratie sociale », qui traite essentiellement du financement des organisations syndicales et patronales ?

Monopole de cinq confédérations

Cette loi met à plat l’organisation actuelle, mais en prenant soin de ne pas toucher à ce qui se fait dans la fonction publique. Durant plus de quarante ans, cinq confédérations syndicales ont eu le monopole des discussions avec le patronat et le gouvernement ; ensemble, ces « partenaires sociaux » ont montré une inventivité certaine pour confisquer d’importants financements publics. Dans une moindre mesure, le patronat a partiellement mis la main à la poche aussi : d’autant plus facilement que la poche en question est celle des travailleurs et des travailleuses qui créent les richesses subtilisées par les actionnaires ! Pire, le « paritarisme » ainsi financé traite à égalité les organisations syndicales représentant des millions de salarié-e-s et les quelques milliers d’actionnaires et de patrons : 50 % pour les uns, 50 % pour les autres ! De l’argent, il y en a… dans les bureaux des syndicats ! Plus de 100 millions d’euros d’argent public chaque année (uniquement pour ce qui est versé à l’échelon national). Quelques exemples de ces subventions publiques dont bénéficient CGT, CFDT, FO, CFTC et CGC depuis des années :

– le Fonds national de gestion paritaire de la formation professionnelle (Fongefor), à travers 0,75% de la collecte des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) représente plus de 15 millions chaque année.

 chaque année, les OPCA distribuent directement environ 35 autres millions.

– la subvention pour la formation syndicale représente 23 millions par an. Le partage se fait là à six, l’Unsa en bénéficiant aussi.

– les mêmes se répartissent 8 millions d’euros pour former les conseillers prud’homaux.

– près de 20 millions proviennent de la participation à divers organismes paritaires (caisses de sécurité sociale, d’assurance chômage, de retraites complémentaires, « 1% logement »…).

Réduire le nombre d’organisations syndicales

Cette situation permet au gouvernement de modifier profondément les règles du jeu, sans que ces organisations syndicales ne crient au scandale, ni même ne fassent trop de publicité à ce qui se négocie depuis mars dernier au sein du Haut conseil du dialogue social ! Pour l’avenir des bureaucraties syndicales, l’essentiel est que les sommes distribuées ne soient pas remises en cause. Gouvernement et patronat s’accordent là-dessus car là n’est pas leur objectif. En effet, jusqu’à présent, la rémunération des salarié-e-s bénéficiant d’un congé de formation économique, sociale ou syndicale était garantie par l’employeur ; certes, dans la limite de 0,08 % du montant des salaires payés dans l’année et seulement pour les entreprises de plus de 10 personnes, ce qui est scandaleux.

Mais désormais, 10 millions seront mis dans un pot commun, réparti entre les organisations syndicales CGT, CFDT, FO, CFTC, CGC, Unsa et Solidaires qui gèreront elles-mêmes ces indemnisations. Dans la continuité de l’accord CGT/CFDT/Medef de 2008, l’objectif est de réduire le nombre d’organisations syndicales : le droit à la formation est remise en cause par exemple pour les syndiqué-e-s CNT-SO, UGTG ou STC… Cette somme sera attribuée uniquement aux confédérations qui décideront de la répartition entre fédérations et unions départementales ou locales. « Normalisation » interne Les plus de 100 millions annuels que nous évoquions plus haut seront désormais attribués à travers un fonds mutualisé, mais toujours à la structure nationale interprofessionnelle des organisations consacrées. Certaines directions syndicales ne pouvaient rêver meilleur outil de « normalisation » interne !

Depuis des années, la confédération CGT mène une bataille pour imposer un fonctionnement bien plus vertical, reposant sur le modèle mis en place par la CFDT il y a une trentaine d’années. ­Cette dotation financière institutionnalisée et centralisée va renforcer la dérive. Des unions locales, notamment, risquent fort d’être asphyxiées, tandis que quelques structures professionnelles devront se montrer plus conciliantes pour garder leur autonomie en matière de formation syndicale. Du côté de l’union syndicale Solidaires, certes moins touchée par la manne financière, l’enjeu sera de savoir gérer ces nouvelles tâches incombant à l’échelon national sans pour autant affaiblir le fédéralisme… Et ce ne sera pas simple.

Christian (AL Transcom)

 
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