Luttes collectives : Sans tes papiers tu restes un travailleur !




Depuis un an ont surgi quelques luttes victorieuses de travailleurs et travailleuses sans papiers, arrachant leur régularisation par une mobilisation collective en tant que salarié-e-s d’entreprises tels les Maliens de Montfort (35) les employé-e-s de Buffalo Grill, Modeluxe, Métalcouleur (et d’autres encore) ou plus récemment les cuisiniers du restaurant La Grande Armée à Paris.

La « régularisation par le travail » a provoqué quelques divergences dans le mouvement social.

C’est le 7 janvier qu’est parue la « fameuse » circulaire d’application de la nouvelle mesure d’admission exceptionnelle au séjour par le travail (art. 40 de la loi du 20 novembre 2007). Elle a fait l’objet de déclarations triomphalistes de la part d’associations de défense des sans-papiers (Droits devant !!, union locale CGT de Massy) et aussitôt d’une alerte sur les dangers d’une telle interprétation par d’autres associations, elles aussi de défense des sans-papiers (Gisti, Mrap, RESF...) Les mêmes différences d’appréciation ont traversé d’ailleurs la CGT elle-même.

Une crainte légitime ...

En novembre, un amendement dans un article du Ceseda a introduit quelques mots supplémentaires (« et par le travail ») concernant l’admission exceptionnelle au séjour des ressortissantes et ressortissants des pays tiers à l’Europe. Cet amendement, tout à fait adapté à la demande du patronat, a fait l’objet d’une grande médiatisation de la part du gouvernement. Mais celui-ci s’est bien gardé d’expliquer la complexité des démarches et le caractère exceptionnel de ce mode de régularisation aux travailleuses et travailleurs sans papiers qui, pour leur part, y ont vu enfin un espoir de régularisation. Les groupes traditionnels d’aide aux sans papiers ont vu alors affluer les demandes d’aide à la régularisation « par le travail » de la part de personnes prêtes à prendre tous les risques, persuadé-e-s que parce qu’ils travaillaient, l’obtention d’un titre de séjour se ferait automatiquement.

Ce miroir aux alouettes, qui rappelle trop celui de la circulaire du 13 juin 2006 qui « promettait » la régularisation des parents ayant des enfants scolarisés (seuls 23 % des parents demandeurs avaient été régularisés), motive nombre d’associations à mettre en garde les sans-papiers contre des démarches isolées en préfecture qui conduiraient à des refus, aujourd’hui tous accompagnés d’obligation à quitter le territoire.

Car cette procédure de régularisation par le travail reste exceptionnelle : la circulaire précise que « ce dispositif couvre par définition un nombre très limité de bénéficiaires, la finalité n’étant pas d’engager une opération générale de régularisation » et que les postulants doivent satisfaire à des conditions cumulatives de reconnaissance de qualification et d’engagement ferme d’un employeur dans le cadre d’une liste de métiers (au nombre de 29). Et ce n’est pas le ou la travailleuse sans papier, mais l’employeur, qui doit faire les démarches et fournir une multitude de documents à l’administration.

Ces métiers, dont la liste par région est jointe à la circulaire, ne sont que des métiers qualifiés qui ne correspondent pas aux emplois majoritairement occupés par cette population. Aucun maçon, électricien, cuisinier ou agent d’entretien n’y figure. Les emplois peu qualifiés sont réservés aux ressortissantes et ressortissants des nouveaux États membres de l’Union européenne (pendant la période dite transitoire) ou... de pays ayant signé des accords bilatéraux de maîtrise des flux migratoires comme le Sénégal, le Gabon ou le Congo. Sarkozy espère conclure ce même genre d’accord, facilitant les expulsions, avec le Bénin, les Philippines, la Tunisie et le Mali. Mais pour ce dernier, cela risque d’être plus difficile, car la résistance s’organise déjà sur place.

... et une lutte tout aussi légitime

Pourtant, les employé-e-s de Buffalo Grill et huit des neuf cuisiniers du restaurant La Grande Armée ont bien été régularisés. C’est bien par leur lutte collective, appuyée par le mouvement syndical, qu’ils et elles ont su faire reconnaître leur statut de travailleurs et leurs droits, bien au-delà des dispositions légales. Et face à ces victoires, le ministère d’Hortefeux n’a pas manqué de rappeler à l’ordre préfets, directeurs de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations et des directions départementales du travail et de l’emploi, par un courrier du 8 février 2008, afin qu’aucune régularisation exceptionnelle ne soit accordée en dehors de la liste des 29 métiers déjà établie. La marge de manœuvre préfectorale se réduit donc et la lutte n’en sera que plus âpre alors que le contrôle des titres de séjour des travailleurs étrangers se systématise et conduit à de nombreux licenciements. L’enjeu de ce combat est d’autant plus important que la lutte contre le « travail dissimulé » permet à Hortefeux de réaliser régulièrement des « saisies record » de sans-papiers envoyé-e-s, quarante-huit heures après, en centre de rétention. Et on ne compte plus les familles qui se retrouvent sans ressources suite à une descente de police sur le lieu de travail des parents ou que la peur de l’interpellation et de l’expulsion contraint à ne plus travailler.

C’est la dimension de classe que pose la revendication de la régularisation par le travail et celle de l’unité des travailleuses et travailleurs, contre la stigmatisation de l’étranger dont le gouvernement veut fait le bouc- émissaire de tous les maux de la société.
Mais cette revendication ne peut se suffire à elle même face au racisme d’État, à moins de renier les luttes des sans-papiers de ces vingt dernières années.

Les mobilisations pour les régularisations dans le cadre du travail salarié constituent un angle d’attaque contre la politique gouvernementale, complémentaires de celles qui s’articulent autour des droits humains, des droits des enfants, du droit à la libre circulation, du droit d’asile, etc.
D’ores et déjà, les liens se tissent et s’organisent entre tous les terrains d’intervention, par le travail en commun de syndicats, d’associations, de collectifs de sans-papiers et divers réseaux autour de la campagne initiée par le tract quatre-pages « Sans-papiers défendons nos droits de travailleurs » (voir page 4) ou de l’organisation de la manifestation du 5 avril (voir encadré).

Construire un gigantesque réseau de réseaux, prenant en compte tous les collectifs de sans-papiers et les réseaux de résistance des salarié-e-s aux directives de chasse à l’étranger, est la seule réponse efficace pour contrer la folie xénophobe de ce gouvernement.

On a déjà commencé... et on continuera !

Chloée (AL 93)

 
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