Moyen-Orient : Israël étend sa guerre, l’Occident laisse faire

La guerre génocidaire d’Israël contre le peuple palestinien s’étend désormais au Liban et menace tout le Moyen-Orient après les frappes en Syrie, en Iran et au Yémen, engageant une escalade de plus en plus mortifère. Les dangers sont innombrables et exigent d’agir en internationaliste dignent de ce nom en renforçant et en conscientisant politiquement le front de la solidarité face aux risques d’extension du conflit.
Après l’épisode de l’explosion simultanée d’appareils électroniques au Liban et en Syrie qui ont fait 37 morts [1] les 17 et 18 septembre, une campagne de bombardements israéliens a débuté le 23 septembre et depuis le Liban est plongé dans l’horreur. Le 9 octobre on comptait déjà 2 141 tuées et 10 900 blessées. Avec l’assassinat de Hassan Nasrallah, Israël décide de faire comme pour Gaza en parlant d’une guerre pour anéantir le Hezbollah. Les mêmes rhétoriques médiatiques sont reprises jusqu’en France, en parlant de guerre « Israël-Hezbollah » comme la guerre « Israël-Hamas ». Face au rouleau compresseur idéologique de la « guerre au terrorisme » dans nos pays, la voix de la solidarité internationaliste a plusieurs défis à relever.
Le martyr du Liban
Israël ne s’attaque pas au Liban pour la première fois. Après le Septembre noir (massacre par la Jordanie des camps de refugiés palestiniens et palestiniennes), la direction de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) s’installe au Liban. S’ingérant dans la guerre civile libanaise pour en déloger les factions palestiniennes, Israël interviendra en 1978 et surtout en 1982 durant l’opération « paix en Galilée ». Avec ses alliés fascistes phalangistes, elle fera la guerre aux groupes palestiniens, entraînant le massacre de Sabra et Chatila. L’État d’Israël occupera le Sud Liban durant 17 ans et en 2000, le Hezbollah réussira à le faire partir. S’en suivra une guerre durant l’été 2006 faisant 1 100 mortes, qui se conclue par une victoire politique du Hezbollah faisant reculer l’envahisseur. C’est donc dans une longue histoire d’agression et de résistance des Libanais et Libanaises que s’inscrit le conflit actuel.
Le risque du jusqu’au-boutisme
Les guerres successives d’Israël dans la bande de Gaza, notamment en 2009 et 2014, ont été des échecs militaires. Les objectifs n’ont pas été atteints et la résistance en est ressortie renforcée. Cela illustre l’incapacité des puissances impérialistes à gagner des guerres d’occupation, comme au Vietnam, en Algérie ou en Afghanistan où chaque guerre les affaiblit et met en lumière leurs contradictions internes. Les victoires sont en revanche terriblement meurtrières, telle la Russie en Tchétchénie [2]. Par le passé, les puissances coloniales ont dû commettre des massacres de masse pour s’imposer et y développer des colonisations de peuplement, comme lors de la sanglante conquête de l’Algérie, le génocide des Herreros et Namas en Namibie. À Gaza, Netanyahou reproduit cette brutalité coloniale en utilisant des drones et des bombes pour détruire de gigantesques zones urbaines et déstructurer la société palestinienne dans son ensemble. C’est bien pour cela que nous parlons de guerre génocidaire à Gaza !
Les États-Unis et l’Europe, sont partagés entre refus d’une escalade et obligation de maintenir leur soutien à leur sous-traitant stratégique dans la région. Nethanyouh, fragilisé, fait le calcul, pour se maintenir, de la fuite en avant en attaquant le Liban et provoquant l’Iran, au risque d’une escalade sanglante dans la région.
L’armée israélienne vise même les soldats de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL). Ces casques bleus –censées incarner la « paix internationale »– ont arrêté de patrouiller dans le Sud Liban dès le début de l’offensive sioniste.
Leur mission, réduite à empêcher l’entrée d’armes non contrôlées par l’armée libanaise, trahit la vraie nature de cette « paix » imposée : non pas un équilibre entre les forces, mais une surveillance qui prive les peuples de leur droit à la résistance. L’ONU, sous couvert de neutralité, montre à nouveau son incapacité à empêcher les déchaînements de violence des puissances impérialistes. Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, a été interdit de séjour en Israël pour avoir simplement appelé à un cessez-le-feu le 2 octobre ! Son bannissement par le ministre israélien des Affaires étrangères montre bien que la voix des Nations unies, lorsqu’elle s’oppose aux intérêts israéliens, devient inaudible et sans conséquence.
Un impérialisme aux pieds d’argile
Cette scène de désaveu souligne l’illusion de la « communauté internationale » qui, loin de garantir la paix, accompagne les logiques de guerre.
La résistance des peuples, renforcée par l’impact du boycott (chute des investissements, baisse du tourisme, départs massifs des israéliens et israéliennes, etc.), provoque une explosion des contradictions dans la société israélienne.
Israël en vient même à recruter des refugiées pour aller combattre à Gaza contre des titres de séjour. La grève générale qui a eu lieu en Israël le 1er septembre, soutenue par le syndicat sioniste Histadrout, révélateur des divisions au sein même du camp colonial, signe un ébranlement de la société israélienne. Cette situation pousse l’état colonial à une fuite en avant, risquant une débâcle militaire au Liban. À l’image de la bataille de Cuito Canavale en Angola en 1988 [3].
Les impérialistes ont des pieds d’argile, il s’agit de ne pas se démobiliser, ni de se décourager. Si nous n’avons pas été en mesure de l’empêcher, sans mobilisation mondiale, le massacre à Gaza aurait pu être pire.
Renforcer la solidarité
L’enjeu est de renforcer la lutte politique en dépassant plusieurs obstacles, les postures idéalistes comme l’« union des prolétaires israéliens, palestiniens, libanais et iraniens » qui, dans une attente de soulèvement du prolétariat colon, mènent souvent à l’inaction. Il faut également aller au-delà des positions « ni-nistes » et « campistes » qui renvoient dos à dos des acteurs asymétriques (Israël, Hezbollah, Iran).
Ces positions occultent les résistances populaires à l’État sioniste, tout en évitant un soutien aveugle de l’« axe de la résistance », et invisibilise les autres résistances que connaît la région. On n’oublie pas que le Hezbollah a contribué à écraser la Révolution syrienne ou que le régime iranien réprime sa population. Notre camp politique est celui de la résistance des peuples – y compris armée – en Palestine, au Liban, en Syrie et en Iran.
Nous devons rappeler que la France, l’Europe et les États-Unis n’ont rien à faire dans la région. Il est crucial de soutenir les mobilisations pour la Palestine, participer à la campagne BDS (récemment victorieuse contre AXA) [4] et de renforcer la campagne Stop Arming Israel pour imposer un embargo sur les armes.
Nous devons construire la grève dans les secteurs français impliqués dans l’effort de guerre israélien, comme en Espagne où une grève générale a été appelée par des syndicats et ONG [5]. Les déclarations de Macron sur la suspension des livraisons d’armes qui contribueraient à la guerre à Gaza, malgré sa rétractation, nous montrent que nous gagnons du terrain. Enfin, l’unité du mouvement anti-impérialiste doit se construire contre le système de la « guerre au terrorisme », qui menace nos libertés, renforce les oppressions systémiques en matière de genre, de race et de classe, alimente l’islamophobie et les fascismes contemporains.
Nicolas Pasadena et Antoine (Commission antiracisme de l’UCL)





