Palestine : « Feuille de route » = voie sans issue




Dix ans après Oslo, trois ans après l’échec de Camp David et le début de la seconde Intifada, on peut s’interroger sur les chances que la « feuille de route » aboutisse en 2005 à la reconnaissance d’un État palestinien.

La « feuille de route » a été élaborée dès l’année 2002 mais n’a été officiellement rendue publique que le 30 avril dernier au lendemain de l’investiture du premier ministre palestinien Abou Mazen. Élaborée par le quartette (Nations Unies, Union européenne, États-Unis, Russie) en s’appuyant sur les résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité qui déclarent illégaux les territoires acquis par la force, la « feuille de route » se divise en trois étapes, dont la première - l’arrêt des violences palestiniennes, le démantèlement des colonies illégales par Israël - aurait dû se terminer en mai 2003.

Les faux-semblants de la politique israélienne

On voit déjà à ce stade, de quelle façon l’information peut être source de malentendus : la « feuille de route » demande aux Palestiniens de cesser leurs violences et de réformer leurs institutions, sans même mentionner que c’est l’occupation israélienne qui en est la cause. Quant aux démantèlements des colonies, la presse télévisée mondiale a récemment diffusé la destruction d’une colonie dite illégale mais en oubliant de mentionner que cette pseudo colonie était en fait constituée de caravanes vides. En revanche, le lendemain même de cette opération, des dizaines de maisons occupées par des Palestinien(ne)s étaient rasées dans la bande de Gaza...

Dans la deuxième phase, théoriquement de juin à décembre 2003, un État palestinien provisoire devait être reconnu sur des frontières elles-mêmes provisoires. Enfin, la troisième phase devrait voir se résoudre tous les nœuds du conflit, sur la base du droit international, et officialiser lors d’une conférence internationale la reconnaissance d’un État officiel palestinien sur les frontières de 1967.

Si cette « feuille de route » a été acceptée immédiatement par la partie palestinienne, Ariel Sharon ne l’a lui reconnue qu’un mois après (le 25 juin) en assortissant son accord d’une série de conditions portant autant sur le fond (refus du partage de Jérusalem, d’une solution au retour des réfugié(e)s, du gel de la colonisation) que sur la forme (refus de la réciprocité des mesures israéliennes et palestiniennes, reconnaissance d’un seul membre du quartette comme garant du processus (les États-Unis).

Dans ce contexte, il est facile de constater que la « feuille de route » ressemble plus à une fiction qu’à un quelconque plan de paix. En 1992 la reprise intensive des colonisations en avait dit long sur la volonté israélienne d’aboutir à un plan de paix ; aujourd’hui personne ne peut ignorer que la construction d’un réseau inhumain de murs, séparant la Cisjordanie en trois parties et plus de 70 enclaves, condamne à une mort certaine la « feuille de route ». En effet, pour citer quelques chiffres, le tracé du mur actuel permet à Sharon d’annexer directement 60 % de la Cisjordanie, laissant aux Palestinien(ne)s 40 % du territoire de 1967 soit 9 % de la Palestine historique avec confiscation des terres les plus fertiles (notamment pour une trentaine de villages au nord de la Cisjordanie) et destruction à grande échelle des champs d’oliviers (aujourd’hui on approche les 100 000 oliviers déracinés).

Évincer Arafat

Par ailleurs, la mise en place de cette « feuille de route » s’est inscrite dans une logique de négation du rôle tenu par Yasser Arafat. Les États-Unis n’ont tenu à officialiser le plan de paix qu’à partir du moment ou des élections « démocratiques » auraient eu lieu en Palestine pour élire un premier ministre.

Or, il ne faut pas oublier que Yasser Arafat continue à représenter pour une grande majorité de la population, l’Autorité palestinienne et la résistance à l’oppression. Place qu’il continuera à occuper tant qu’il sera enfermé dans son palais en ruine à Ramallah. Abou Mazen, numéro deux de l’OLP, représente ainsi pour les occidentaux l’homme du changement, qui n’a pas refusé « l’offre généreuse » d’Ehoud Barak à Camp David et qui a pris par la passé position contre l’Intifada. Mais Yasser Arafat peut continuer à rassembler autour de lui une majorité de l’opinion limitant la marge de manœuvre du premier ministre (d’après un sondage paru au mois d’avril dernier, Yasser Arafat arrivait en tête avec 35 %, suivait Marwan Barghouti avec 20 % et Abou Mazen n’obtenait que 3 %).

À travers le quartette, la « feuille de route » ne se réduit théoriquement pas aux seuls Etats-Unis. En réalité, ils étaient seuls présents au sommet d’Aqaba en juin dernier, en Jordanie, et il apparaît clairement que G.W. Bush veut tirer à lui tous les bénéfices potentiels de ce plan de paix. La paix, c’est le respect des droits des Palestinien(ne)s et il y a peu d’espoir pour que la « communauté internationale » influe de manière décisive en ce sens. Il reste donc à la société civile internationale à se mobiliser, à créer des contre-pouvoirs. Les Palestinien(ne)s aujourd’hui au bord de l’asphyxie ont plus que jamais besoin de l’aide de chacun(e) d’entre nous !

Marielle (AL Angers)

 
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