Présidentielle : Charte antilibérale : un autre réformisme est possible




La “ charte antilibérale ” issue des collectifs du 29 mai, puis des collectifs pour une candidature unitaire, est devenue le socle commun des candidatures de Marie-George Buffet puis de José Bové.
Les communistes libertaires ne peuvent qu’être d’accord avec certaines des revendications concrètes qui s’y expriment. Mais la logique d’ensemble du programme est assez artificielle, en prétendant réformer le capitalisme et l’État sans les remettre en question radicalement.

Les 125 propositions de la charte se veulent “ la trame d’une politique authentiquement de gauche ”. Elles constituent en fait ce qu’une gauche vraiment réformiste (ce que n’est plus le PS) pourrait proposer comme mesures d’urgence sociale, en reprenant des revendications issues du mouvement social (par exemple le “ nouveau statut du salariat ” rappelant celui prôné par la CGT) et altermondialiste. Pourtant, on ne voit pas vraiment ce qu’apporte un nouveau programme d’urgence presque similaire à ceux déjà existant chez LO, la LCR ou le PCF, d’autant que ce programme n’est pas articulé à un projet de société alternatif au capitalisme.

Antilibéralisme ou anticapitalisme ?

La charte fustige le capitalisme libéral, mais c’est en fait seulement sa dimension libérale qui est mise en cause. Or il faut rappeler sans cesse : le capitalisme est un système économique et social, et le libéralisme n’est qu’une des idéologies politiques prétendant le gérer, concurrente de la gestion sociale-démocrate par exemple.

En l’état la charte antilibérale semble n’être pas autre chose que le dernier avatar d’une “néosociale-démocratie”, malgré certaines critiques de la “ gauche sociale-libérale “qui veut” concilier la toute-puissance du capital financier et un socle restreint de droits et de garanties sociales ”.
L’appel à “ une véritable alternative ” est singulièrement amoindri par le choix de termes vagues comme l’“ appropriation sociale des instruments économiques sociaux et politiques ”, qui peut tout simplement signifier la rénovation des mécanismes de régulation du marché. Rien n’est dit de la propriété privée des moyens de production, la recherche du profit, et son bras armé qu’est l’État républicain.

Comment alors penser une “ alternative ” réelle ?

État-providence ou autogestion ?

Certes la charte propose une politique sociale très généreuse, et de “ développer l’économie sociale et solidaire ”. Mais sans dépasser le schéma social-démocrate classique : le capitalisme produit des richesses, l’État les redistribue et réglemente le marché pour le rendre moins inhumain. Les mesures sociales sont “ garanties par la puissance publique ” d’une “ VIe République fondée sur les droits ”. Le patronat reste d’ailleurs présenté comme un partenaire social avec lequel négocier.

Pourquoi persister à faire croire qu’il peut exister un capitalisme à visage humain alors que ce créneau est déjà largement occupé par le Parti socialiste ?

Pourquoi ressortir la vieille rengaine étatiste pour s’opposer au libéralisme ? La seule voie pour abolir la division capital/travail, c’est la socialisation et l’autogestion de l’économie par les travailleurs et pour les travailleurs.

“ Citoyenneté élargie ” ou démocratie directe ?

La charte reste globalement dans le cadre d’une démocratie déléguant l’essentiel du pouvoir à l’appareil État, et laissant une grande liberté au pouvoir du capital. Elle propose certes une extension assez importante des pouvoirs des comités d’entreprise (qui seraient dotés d’un “ droit de veto suspensif sur les licenciements ”), et une participation accrue des “ citoyens ” dans la mise en œuvre des politiques.

Mais à quoi peuvent servir quelques doses de “ démocratie participative ” si la propriété privée des moyens de production et le rôle dirigeant du marché ne sont pas abolis ?

Citoyennisme ou lutte des classes ?

La charte affirme bien qu’“ aucun programme, aucune politique ne peuvent s’imposer et changer l’ordre des choses s’ils ne sont pas les fruits d’un vaste mouvement populaire ”.

On est justement en droit de s’interroger sur la capacité d’une “ insurrection électorale ”, pour reprendre les termes un peu bouffons de la campagne Bové, à encourager les luttes sociales, syndicales, associatives. Car en déplaçant le débat social et politique sur le terrain institutionnel, en appelant les “ citoyens ” à voter pour un parti censé “ changer la vie ”, on prépare une alternance politicienne qui ne peut être d’aucune aide aux luttes sociales. Et pire, qui risque de détourner les mouvements sociaux des vrais enjeux.

Rappelons cette évidence : le seul “ débouché ” souhaitable pour les luttes, ce n’est pas un gouvernement de gauche, c’est la victoire des luttes !

AL Angers

 
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