Libye

Refusons l’hypocrisie de la guerre humanitaire !




L’intervention militaire en Libye qui vient d’être décidée par le conseil de sécurité de l’ONU a plusieurs objectifs mais sûrement pas celui de sauver sans arrière-pensée le peuple libyen de Kadhafi. Les dirigeants de la France, de l’Union européenne et des États-Unis ont beau jeu de traiter celui-ci de dictateur sanguinaire alors qu’ils ont eux-mêmes soutenu et soutiennent encore des dictatures et des tyrans partout dans le monde.

Les mêmes qui justifient les bombardements en Libye par des motifs humanitaires participent directement à la répression du mouvement démocratique au Bahreïn et au Yémen. Des troupes de l’Arabie Saoudite et des Émirats Arabes unis sont entrées dans le pays à la demande du monarque du Bahreïn et avec l’accord d’Obama pour réprimer un mouvement totalement pacifique et assassiner les leaders du mouvement. Dans la plus grande indifférence on s’achemine peut-être vers un bain de sang au Bahreïn.

Kadhafi lui-même était encore accueilli en grandes pompes par Sarkozy à Paris en 2007. Les élites politiques françaises, de l’UMP au PS, ont tous cumulé des séjours en Tunisie, invités par la dictature qu’ils ont condamnée soudainement il y a quelques semaines. En ce moment même, un mouvement social inédit a lieu au Burkina Faso contre la dictature françafricaine de Compaoré. Mais ça, on n’en entend pas parler dans les médias ou les discours du gouvernement.

L’humanitarisme des États occidentaux est à géométrie variable, et pour cause : ce n’est pas du tout ce qui motive l’intervention militaire en Libye. Depuis le début des insurrections en cours dans les pays du Maghreb et du Machrek, les puissances occidentales observent avec inquiétude les chutes successives de leurs meilleurs soutiens dans la région, ne pouvant qu’accompagner le mouvement et miser sur une transition libérale des pays concernés, tout en nous rabâchant le cliché du danger islamiste pour préparer les conditions d’une éventuelle intervention militaire. Mais le démarrage de grèves, comme en Tunisie et en Égypte, et la persistance des mouvements sociaux malgré les concessions accordées par les oligarchies locales font planer le risque pour les impérialismes occidentaux de voir les transitions démocratiques en cours déboucher sur des révolutions sociales.

C’est finalement le risque (bien réel) d’un massacre des insurgé-e-s libyen-ne-s retranchés à Benghazi qui a servi de prétexte pour justifier une intervention militaire. Oui, cette intervention a permis de stopper la contre-offensive kadhafiste. Mais il ne faut pas se leurrer sur le pourquoi de cet engagement militaire et sur ses suites.

Si le but premier des puissances occidentales avait été d’apporter une aide désintéressée au peuple libyen, il y aurait eu bien d’autres façons de le faire que de bombarder des villes. Elles auraient par exemple pu fournir des armes aux rebelles (qui affrontent en ce moment une armée kadhafiste largement équipée par les puissances occidentales). Elles pourraient aussi accueillir les réfugié-e-s plutôt que de renforcer les patrouilles aux frontières de l’Union européenne et de développer un discours démagogique de « dangers de vagues d’immigrations ».

Si aujourd’hui l’intervention continue, c’est que le but est avant tout pour les capitalistes de reprendre la main dans la région. D’où l’escalade de ces derniers jours. En une semaine, on est passé d’un discours sur la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne pour empêcher le massacre à Benghazi à des bombardements sur plusieurs villes libyennes. La résolution adoptée par l’ONU exclut une occupation mais laisse le champ libre à une intervention terrestre. On ne prend même plus la peine comme lors de l’invasion de l’Afghanistan en 2001 ou de l’Irak en 2003, de nous faire avaler le mensonge de la « guerre propre ».

Et tout cela est justifié en France dans les médias et par les politiciens (de l’UMP au Parti de Gauche) par des motivations humanitaires et républicaines. La position de l’extrême droite révèle un courant politique qui défend l’ordre économique établi, qui est hostile à toute révolution autre que nationaliste. Cette intervention arrive à point nommé pour redorer le blason de Sarkozy qui ose désormais se présenter comme le défenseur des opprimé-e-s. Comme si l’État français était légitime pour venir imposer aux populations en pleine révolution son système politique et économique. Comme si la démocratie pouvait s’imposer par la guerre. Les leçons de l’Afghanistan et de l’Irak n’ont-elles pas suffi ?

La donne est radicalement changée désormais au Maghreb et au Machreck. Les populations sont averties : les « grands-frères » occidentaux déploient leurs canons et se donnent le droit d’intervenir si ça ne tourne pas comme ils le souhaitent. Les rebelles de Benghazi ont été sauvés, mais maintenant l’escalade est enclenchée et il est difficile de savoir jusqu’où elle nous mènera.

De la crise financière entamée en 2007 à la catastrophe nucléaire de Fukushima, en passant par les nombreuses résistances sociales émergeant partout dans le monde et plus particulièrement au Maghreb et au Machrek, le système capitaliste semble craquer de toutes parts. Dans ces périodes de crise, les bourgeoisies à la tête des grandes puissances ont toujours préféré jouer la carte du nationalisme et de la guerre plutôt que de voir leur pouvoir remis en question. Ces mêmes bourgeoisies invoquent toujours la « folie » ou la « barbarie » de leurs ennemis ou les vertus de leurs propres conceptions des systèmes politiques et économiques pour entrer en guerre.
Aujourd’hui, la situation est la même sur le fond. Prenons du recul et ne ne nous laissons pas berner : la guerre humanitaire est une hypocrisie.

Alternative libertaire réitère son soutien aux peuples du Maghreb et du Machrek en lutte pour leur liberté. Nous incitons les travailleur-se-s et les jeunes de ces pays à poursuivre la révolution aussi loin que possible et à ne pas se faire confisquer leurs mouvements par les puissances occidentales.
Nous exigeons l’arrêt des bombardements en Libye et le retrait des troupes étrangères du Bahreïn.

Nous appelons l’ensemble des organisations politiques, syndicales ou associatives de France s’opposant à la guerre à agir en commun pour faire cesser l’intervention militaire française en Libye.

Alternative libertaire, le 21 mars 2011

 
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