Réveil : Sur les facs, une répétition générale




Grèves, assemblées de plusieurs centaines d’étudiant(e)s, conseils d’administrations bloqués, nombreux examens reportés... Au printemps, la vie des universités a été très agitée, et ce en lien avec les vastes mouvements sociaux contre les projets du trio Fillon-Ferry-Chérèque.

Sur les facs, la contestation a depuis longtemps couvé, sinon éclaté. L’harmonisation européenne à la sauce libérale (European Credit Transfer System - ECTS), la casse de vrais diplômes avec la réforme LMD (Licence/Master/Doctorat, diplômes en 3, 5 ou 8 ans) ou encore l’autonomisation des universités sont autant de cadeaux offerts aux patronats locaux.

La mobilisation, qui a atteint son apogée au mois de mai, avait été précédée par de nombreuses luttes depuis le début de l’année. Depuis l’annonce de la suppression du statut des MI-SE (étudiants-surveillant(e)s), des grèves sur plusieurs mois avaient déjà annoncé la couleur : une jeunesse, très souvent issue des milieux populaires, voulant étudier et se former dans de bonnes conditions, faisait face au gouvernement.

La volonté de contrer les réformes libérales de l’enseignement supérieur, après un premier temps fort à l’automne (grèves dans des nombreuses facs), s’est donc réaffirmée début mai, période pourtant peu propice, avec les examens et les vacances en perspective. Le syndicalisme étudiant de lutte (principalement SUD-Étudiant, la CNT-FAU, mais aussi des syndicats locaux et des UNEF oppositionnelles) a eu fort à faire pour essayer de mobiliser, avec en face une Unef hésitant entre un soutien plus ou moins tacite au principe des réformes et une contestation de façade, en pratique un réel abandon du terrain et de la lutte.

Nombreux débrayages

Là où les étudiant(e)s se sont fortement mobilisé(e)s (Paris-I, Brest, Grenoble, Marseille, Toulouse, Le Havre, Perpignan, Montpellier...), les AG ont rapidement mis en place des coordinations ou comités de grève, sur le principe du mandat impératif, aspirant à une véritable démocratie dans la lutte. Le discours porté, les plates-formes de luttes adoptées réaffirmaient le rejet total de la privatisation larvée des formations, la possibilité d’étudier pour tou(te)s dans de bonnes conditions (en dehors du salariat précaire), mais aussi un engagement fort pour la défense des retraites, avec comme riposte nécessaire la redistribution des richesses. Restait à gagner le pari d’unifier les luttes avec les autres personnels de la fac.

Chez les profs, certain(e)s se sont mobilisé(e)s, voyant leur avenir mis en péril, notamment sur la recherche elle aussi attaquée, mais la frilosité, voire l’accord avec les réformes, fut très souvent la réalité. Le SNESup (FSU), principale organisation enseignante dans le supérieur, n’a jamais vraiment cherché à mobiliser. Du côté des Iatoss (personnels ouvriers et techniques), les attaques contre leur statut, avec un transfert aux régions, ont entraîné une vraie réaction.

La liaison étudiants-Iatoss fut souvent réussie, avec des actions et des revendications communes. Les possibilités d’actions s’en sont trouvées grandies, concernant notamment la question des examens. Ceux-ci ont été reportés dans de nombreux endroits, que ce soit pour un ou plusieurs jours. Les pressions administratives sur les personnels en grève, ou sur les étudiant(e)s grévistes n’ont pas eu raison de la détermination. L’attitude des président(e)s d’université fut scandaleuse, jouant le pourrissement de la lutte, allant jusqu’à faire intervenir les forces de l’ordre à Tolbiac (Paris-I). Désormais, les interventions policières sur les campus, sur ordre des président(e)s de facs, deviennent monnaie courante. Nous savons à quoi nous en tenir pour les prochaines luttes !

Une envie de politique

Tant par les pratiques adoptées (action directe, démocratie à la base) que par le discours avancé, ce mouvement étudiant aura franchement eu à de nombreux égards un visage anticapitaliste. Nous étions loin de cet esprit de l’entre-deux tours de 2002, où l’image d’une jeunesse s’enfermant dans une contestation policée était mise en avant. Ce besoin de refaire de la politique, de débattre concrètement sur la nature du système dominant a trouvé un écho à l’occasion du contre-sommet du G8 d’Évian, avec de nombreuses participations aux villages alternatifs. D’ailleurs la coordination des facs en lutte a tenu une de ses sessions à Annemasse, le 30 mai, deux jours avant la manifestation centrale contre le G8.

Avec une prise de conscience grandissante que notre avenir nous appartient, et qu’il ne doit pas être confisqué par les patron(ne)s, les annonces gouvernementales de report du projet sur l’autonomie des facs ne changent rien à la donne, au contraire. Cela laisse plus de temps pour préparer une rentrée 2003-2004 qui doit être explosive, et pas seulement sur le terrain universitaire.

Antoine (AL Rennes), Yannick (AL Brest), Julien (AL Tours)

 
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