Salaires, licenciements : le patronat doit payer !




Depuis plusieurs mois, les grèves pour les salaires sont de retour dans le secteur privé. Plus récemment, ce sont les plans de licenciements chez Airbus ou Alcatel qui ont provoqué un mouvement de révolte. Le pouvoir sans partage des actionnaires est mis en cause.

Luttes contre les licenciements à Airbus-EADS, contre les délocalisations à Alcatel-Lucent, grèves pour les salaires et contre la précarité des contrats de travail chez Saint-Gobain ou chez Peugeot-Citroën… depuis quelques semaines, ces noms de boites du privé résonnent dans l’actualité. Emblématiques de nombreuses grèves qui se déroulent aux quatre coins du territoire mais ignorées par le Parti de la Presse et de l’Argent, elles pourraient révéler pour certaines d’entre elles une combativité retrouvée
de cette France invisible, celle des ouvrier-e-s et employé-e-s qui constituent 53 % de la population active.

Faute de disposer d’un syndicalisme de lutte interprofessionnel se donnant pour tâche de fédérer, amplifier et radicaliser la mobilisation des salarié-e-s, ces luttes risquent d’avoir des goûts amers de lendemain qui déchantent. Faisons en sorte qu’il n’en soit pas ainsi. Une occasion pour les anticapitalistes de troubler le jeu électoral sur la base de l’action des travailleuses et des travailleurs ?

Les récentes annonces de suppressions d’emploi chez Airbus-EADS et Alcatel-Lucent s’ajoutent aux trop nombreuses boîtes touchées depuis des années par ce que les médias appellent pudiquement “ plans sociaux ”. Ces licenciements illustrent la rapacité des actionnaires dont le seul objectif est d’engranger un maximum de profits au détriment du droit à l’emploi des salarié-e-s. De l’extrême droite au Parti dit “ socialiste ”, aucun n’a remis en cause la privatisation d’Airbus-EADS, ou le pouvoir des actionnaires sur l’outil de travail dans le cas d’Alcatel-Lucent. Pour s’opposer à cette casse sociale et industrielle, les travailleurs et les travailleurs ne peuvent compter que sur leur mobilisation et leur capacité à dénoncer les vrais responsables.

Des profits indécents

Le cas d’Airbus est particulièrement éclairant. Les principaux actionnaires privés, Lagardère et Daimler-Chrysler, ayant profité pendant des années des profits réalisés, s’en désintéressent aujourd’hui à la première difficulté venue. PS et UMP craignent une crise sociale qui, comme celle de Vilvorde en 1997, viendrait polluer leur belle campagne électorale. Ils vont donc se rejoindre sur l’essentiel : l’État (ou les régions) débloquerait l’argent que le patronat ne veut pas débourser. L’alternative proposée par Louis Gallois, le PDG d’EADS, n’est pas plus acceptable : soit le plan Power 8 avec une réduction drastique des effectifs, la vente de certains sites de production (Saint-Nazaire et Méaulte) et donc logiquement l’augmentation des cadences de travail sur les sites restant puisque le carnet de commandes est plein ; soit un transfert massif d’argent public. Non satisfaits de supprimer des emplois, il faudrait que ce soit aux contribuables de payer !

Le groupe Alcatel-Lucent, issu d’une récente fusion, génère des profits immenses, 522 millions d’euros en 2006, et les suppressions d’emplois prévues ne visent qu’à augmenter un peu plus les dividendes reversés aux actionnaires, qui s’élèvent déjà à 370 millions d’euros.
De l’argent il y en a. Les luttes multiples qui se font jour devraient contraindre le patronat et les actionnaires à en payer le prix. Les profits records qu’enregistrent les entreprises du CAC 40 l’attestent : jusqu’à 100 milliards d’euros en 2006. Des bénéfices nets qui s’expliquent par l’écrasement des salaires, les gains de productivité opérés sur le dos des salarié-e-s (flexibilité, bas salaires, délocalisations, sous-traitance….). Maintenir tous les emplois aujourd’hui menacés, augmenter les salaires, transformer les emplois précaires en emplois stables : autant de revendications qui sont légitimes et qui mettent en question la distribution des richesses produites dans le pays.

Rompre avec le cycle des délocalisations et des licenciements nécessite de s’en prendre au pouvoir sans partage des capitalistes, en exigeant notamment une totale transparence sur les comptes des entreprises, la fin de toutes les exonérations de charges sociales, le remboursement des aides perçues par l’État et la garantie d’un droit au travail et au revenu sans contrepartie.

Les richesses à ceux et celles qui les produisent !
Pour inverser le cours des choses, les travailleuses et les travailleurs n’auront pas d’autres choix que de s’en prendre à la propriété privée des possédant-e-s, notamment quand cela est possible, par la réquisition et l’autogestion des entreprises en lutte.

À Airbus comme ailleurs, c’est par la lutte et dans l’unité des différents sites concernés, à l’échelle internationale, qu’une riposte pourra émerger. On ne peut pas se retrouver face à un saccage de l’emploi qui devrait être “ mieux partagé ” entre les différents pays (France, Allemagne, Espagne et Angleterre). Ce serait accepter la logique patronale.
Il y a tout à perdre à se laisser embobiner dans la préservation de la “ compétitivité ” des entreprises en butte aux licenciements et/ou aux délocalisations. Il faut dénoncer cette logique du toujours moins-disant social car à ce jeu-là, les travailleur-se-s seront toujours perdant-e-s, les actionnaires exigeant toujours plus que ce qu’ils ont obtenu la veille. C’est la loi d’airain du Capital. Feindre de l’ignorer, c’est semer l’illusion qu’il existerait un capitalisme “ moral ”, à visage humain. S’adapter à la mondialisation libérale comme le préconisent la majorité des politiciens, c’est continuer à être les spectateurs de ses dégâts sociaux.

Dans de nombreuses entreprises, des grèves éclatent pour l’augmentation des salaires, la transformation des emplois précaires en emplois stables. Celle que les ouvrières et des ouvriers de Peugeot-Citroën à Aulnay (93) ont lancé le 28 février a été une des plus emblématiques. Une grève qui a cherché à s’étendre sur d’autres sites du groupe. Une grève combattue avec énergie par la direction de PSA qui emploie des intérimaires (en toute illégalité) pour remplacer les grévistes, qui convoque des délégués syndicaux à Melun-Sénart pour des sanctions allant jusqu’à un possible licenciement.

La responsabilité des syndicats de lutte (CGT et Sud-Auto en particulier) est immense. L’enjeu est bien de mener, au plan professionnel et interprofessionnel, toutes les tentatives pour coordonner ces luttes entre elles. En ces temps d’élections, les militantes et militants révolutionnaires qui sont dans cette optique se comptent sur les doigts de la main alors que le privé est de plus en plus enclin à revendiquer.

Car c’est bien le développement et l’unification des luttes qui permettra d’imposer aux possédant-e-s une répartition égalitaire des richesses produites et du travail disponible, loin du navrant spectacle médiatico-sondagier de la présidentielle.

Rémi Ermon (AL Rennes)

 
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