Social : Une guerre peut en cacher une autre




Raffarin a été très clair. Malgré la guerre en Irak, il ne modifiera pas son agenda. Il a même précisé dans un entretien accordé aux Échos (17 mars) que la question des retraites ne ferait pas l’objet d’une session spéciale en juillet mais d’une loi votée en juin. Pour les syndicats, l’heure des choix a sonné.

En faisant voter une modification de la constitution sur la décentralisation, le premier ministre a imposé une mesure qui va permettre de démanteler la fonction publique d’État en régionalisant les services publics. Ce vote s’est fait sans que les syndicats n’aient même cherché à interpeller les travailleuses et travailleurs de ce pays sur sa portée.

Et oui, une guerre peut en cacher une autre. Alors qu’en France comme ailleurs la population est focalisée sur la question de la guerre et que les médias, la classe politique et la question totalité des syndicats sont derrière Chirac pour louer sa position sur la guerre en Irak, ce même Chirac et son gouvernement poursuivent leur politique de redistribution des richesses en faveur du capital et de guerre sociale contre les droits collectifs des travailleur(se)s et des chômeur(se)s dans tous les domaines.

Au moment où nous bouclons cette édition la majorité des syndicats font preuve d’une grande constance dans leur pusillanimité. Le groupe des cinq syndicats de l’éducation nationale (UNSA, CFDT, CGT, FAEN et FSU) qui maintiennent le cordon sanitaire vis-à-vis des trois autres organisations (FO, SUD et CNT) de la profession en sont à leur quatrième journée de grève de 24 heures depuis octobre. Celle du 18 mars a été moins suivie que les précédentes, car elle est en-deça de ce qu’attendent les surveillant(e)s et les emplois jeunes en grève depuis plus de trois mois, et ne répond aucunement aux attaques dont les autres personnels font l’objet dans tous les domaines (emploi, décentralisation, budget...).

Après les annonces de Fillon et Delevoye aux fonctionnaires annonçant le passage aux 40 annuités, l’intensification des réductions d’effectifs, la poursuite du blocage des salaires pour 2003, et mettant en perspective une baisse du niveau des retraites, CGT, FSU, FO et UNSA rejointes par l’Union syndicale G10 Solidaires appellent les travailleurs du privé et du public à une journée de grève et de manifestation le 3 avril.

Le 3 avril, quitte ou double

Il y a pourtant fort à parier que cette journée sera un coup d’épée dans l’eau de plus en l’absence de suite immédiate.

Comme l’affirme la fédération SUD Rail après la forte grève du 18 mars à la SNCF contre la libéralisation du rail en s’adressant le soir-même de cette grève aux autres fédérations de cheminots : "Cette journée de grève [du 3 avril ] ne doit pas rester sans lendemain.
Il s’agit maintenant de construire un plan de mobilisation qui permette de créer le rapport de force nécessaire pour bloquer les projets du gouvernement et obtenir une véritable réforme des retraites :
 37,5 annuités de cotisation pour le privé comme pour le public ;
 maintien du taux de remplacement moyen de 78 % net (chiffre constaté par le Collectif d’orientation sur les retraites) ;
 droit à une retraite à taux plein à 60 ans ;
 maintien des régimes spéciaux.
[...]
Une rencontre pour arrêter en commun les modalités de participation des cheminot(e)s à cette grève interprofessionnelle est nécessaire. Pour SUD Rail, s’il y a grève la question d’une reconduction du mouvement en assemblée générale doit être posée. "

À la Direction générale des impôts (80 000 agents), après la grève du 10 mars contre la restructuration massive de services (précédant des suppressions d’emplois tout aussi massives), la rémunération au mérite et la casse des retraites, grève suivie par près de la moitié des agents, SNUI (Solidaires) et CGT cherchent à donner une suite et construire un mouvement de grève dure. Plusieurs de leurs sections poussent leurs instances nationales à appeler non seulement à la grève du 3 avril mais aussi à la tenue d’assemblées générales en vue de reconduire la grève le 4 avril.

Cette perspective gagnera à être débattue dans toutes les branches professionnelles mais aussi dans de nombreuses villes où se multiplient des comités intersyndicaux de défense des retraites.

Et c’est bien le sens qu’il faut donner à cette journée déjà bien tardive, celui d’un véritable tremplin pour une confrontation sociale avec le gouvernement. Refuser d’envisager une telle perspective, c’est envoyer dans le mur toute possibilité de riposte d’envergure pour longtemps. Si rien ne se passe à l’issue du 3 avril, nous pouvons être à peu près sûr(e)s que le gouvernement n’aura aucune peine à imposer sa loi de régression sociale sur les retraites et pourra faire respecter son agenda quasiment à la lettre.

Laurent Esquerre

 
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