Syndicalisme paysan : Halte à la cogestion du lait




« Désormais, rien ne sera plus comme avant dans le paysage agricole français ». C’est la déclation de la Confédération Paysanne après son expulsion par la police de la Maison du lait à Paris le 15 octobre. En effet, après cette occupation, les lignes ont quelque peu bougé.

La Confédération paysanne a occupé pendant 34 jours la Maison du lait, siège du CNIEL (Interprofession laitière nationale) afin d’obtenir une représentation pluraliste au sein de cette interprofession (voir AL du mois dernier). Le CNIEL regroupe des producteurs, des coopératives et des industriels privés de la filière laitière en France, et seul la FNPL [1], un syndicat de filière dépendant de la FNSEA [2], participe aux négociations au sein de cette inter profession. La présence au sein de celle-ci de tous les syndicats représentatifs n’est pas inscrite dans la loi. Autrement dit, c’est le point de vue d’une agriculture productiviste qui prime. Et c’est au nom et avec l’argent de tous les paysans.

Occupation contre collusion

Car se sont les paysans qui financent les inter-professions à travers une cotisation obligatoire qui s’intitule ironiquement… « cotisation volontaire obligatoire ». En 2009, le CNIEL a reçu 38 millions d’euros pris aux paysans [3] et avec cet argent, il finance, entre autre, ses membres dont la FNPL ou des pubs qui bénéficient à l’industrie du lait... C’est pour dénoncer ces pratiques honteuses et donner la place qui est due à tous les paysans et paysannes dans la maîtrise de leur production et de leur revenu que la Confédération paysanne s’est invitée pendant cinq semaines à la maison du lait.

Depuis plusieurs années, de grosses luttes ont été menées par les paysans afin d’obtenir une revalorisation du prix du lait. La filière est en crise et il est de plus en plus difficile de vivre de la production laitière. Ces combats, marqués par d’importantes grèves du lait (les paysans ne fournissaient plus), se sont conclus par une récupération des négociations par la FNSEA qui a obtenu une augmentation misérable du prix du lait afin de briser un mouvement qu’elle n’a pas participé à construire. C’était une raison supplémentaire de s’occuper du dossier « Maison du lait », afin de rendre pluralistes et publiques les négociations sur le prix du lait, pour pouvoir assurer un revenu digne aux paysans.

Occupation et grève de la faim

Plusieurs semaines d’occupation, le soutien de milliers de personnes, de dizaines d’associations, syndicats et organisations politiques, de nombreuses personnalités, ainsi que 21 jours de grève de la faim menée par quatre paysans ont été nécessaires pour faire entendre une autre voix. Malgré une expulsion par la force, s’il n’y a eu comme seule avancée concrète que des réunions au ministère sur le thème des interprofessions avec tous les syndicats, cette lutte n’aura pas été vaine, loin de là.

En effet, d’une part les problématiques du clientélisme, de l’opacité et de la mainmise de la FNSEA sur la cogestion agricole à la française ont été exposées au plus grand nombre. Personne, pas même les juges qui ont eu à répondre aux plaintes de la FNSEA, ni même le ministre de l’agriculture, n’a pu contredire le bien fondé des revendications de la Confédération paysanne.

D’autre part, en montrant l’intérêt concret de l’action directe, cette lutte n’est qu’un début, elle en appelle déjà d’autres, pour faire tomber la FNSEA de son piédestal et redonner la parole à tous et toutes les paysans.

Comme les militantes et militants le clamaient lors de l’expulsion, « on est chez nous, on reviendra, si jamais ils ne cèdent pas ! ». La lutte continue !

Georges Class et John Deere (AL Var)

[1Fédération nationale des producteurs de lait.

[2Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, syndicat dit « majoritaire », conservateur, productiviste...

[3Voir le document sur les CVO sur le site de la Confédération paysanne.

 
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