syndicalisme

SNCF : Un premier bilan de la lutte




Près de deux semaines de grève nationale : cela faisait bien longtemps que le rail n’avait pas connu un conflit aussi massif et durable. De nombreuses et nombreux jeunes travailleurs y ont passé leur « baptême du feu ». Quelles leçons politiques en tirer du point de vue communiste libertaire, pour orienter la suite de notre action ?

Durant près de deux semaines, les cheminots et les cheminotes ont fait grève contre le projet de loi ferroviaire et pour la satisfaction de leurs revendications, internes à l’entreprise.

Alors que pour des raisons sociales, environnementales et aussi fonctionnelles, il est nécessaire de réunifier l’entreprise publique cassée en deux depuis 1997 (SNCF et RFF), la loi organise un découpage en trois entreprises distinctes !

Le ministère agit en plein accord avec le patron de la SNCF, Guillaume Pépy, qui, depuis des années, organise la destruction du service public ferroviaire : sous-traitance, filialisations, transformation en groupe mondial de transport et de logistique qui concourt activement à la privatisation de réseaux publics d’autres pays, attaques contre les droits sociaux des cheminots et cheminotes…

Ministère et Direction de l’entreprise publique servent les intérêts des actionnaires des entreprises privées. Ainsi, la loi décide l’abrogation de la réglementation du travail applicable aux cheminot-es ! C’est donc sans cet appui de la réglementation SNCF que les fédérations syndicales devront négocier la future convention collective nationale de la future branche ferroviaire. L’objectif est bien évidemment d’appliquer à tous les salarié-es du rail (SNCF et entreprises privées) des conditions de travail plus dures, des droits les plus faibles possibles.

La démarche unitaire favorise le lancement de l’action

Dès janvier, la fédération SUD-Rail proposait une plate-forme nationale interfédérale, porteuse notamment de ce que seront les revendications des grévistes tout au long du mouvement :

  • réintégration de l’ensemble du système ferroviaire dans une seule entreprise publique, qu’il faut cesser de détruire comme le font Pépy et sa bande ;
  • maintien de la réglementation du travail et du statut SNCF, qu’il faut améliorer et étendre à tous les salarié-es du secteur ferroviaire ;
  • Annulation de la dette imposée depuis des années aux entreprises publiques ferroviaires.

Trois fédérations — CGT, Unsa et SUD-Rail — soutenaient la plate-forme unitaire, crédibilisant ainsi la perspective d’une grève nationale reconductible.

Le fait que l’Unsa refuse d’appeler le moment venu n’a guère pesé : la dynamique unitaire CGT/SUD-Rail, la campagne de longue durée menée par de nombreuses équipes syndicales pour construire un mouvement reconductible (SUD-Rail fédéralement mais aussi plusieurs syndicats CGT), la pression de la manifestation nationale du 22 mai, ont permis l’appel interfédéral CGT/SUD-Rail à compter du 10 juin au soir.



Le leaderisme nuit à l’auto-organisation

Depuis la grève de l’hiver 1986-1987, la pratique des assemblées générales de grévistes est devenue la règle pour tout mouvement reconductible à la SNCF (et pas seulement).

Les communistes libertaires ont fortement contribué à cet acquis : à l’époque, et ensuite pour que cela devienne la pratique « normale ». Mais comme toutes les autres, cette bataille n’est jamais définitivement gagnée : celles et ceux qui prétendent « diriger les luttes » à la place des grévistes n’ont pas renoncé à leurs pratiques élitistes.

Sans remettre en cause la forme « AG », ils et elles les transforment en petits meetings où seul.es les responsables syndicaux s’expriment avant qu’on ne vote sur leurs seules propositions. Cette remise en cause de l’auto-organisation des travailleurs et travailleuses en lutte, si elle demeure majoritaire au sein de la CGT, touche également SUD-Rail.

Pour autant, la dynamique de vraies AG a aussi porté cette grève.

Le Front de gauche dessert la lutte

La grève a aussi rappelé que le Front de gauche était un instrument utile… pour casser les luttes sociales. Survalorisant le rôle de ses député.es, il a appuyé les déclarations du secrétaire général de la CGT, Thierry Lepaon, qui, dès le 4e jour de grève, annonçait la probable fin du mouvement, avant de renouveler plus lourdement encore au bout d’une semaine.

Si lourdement que la fédération CGT-Cheminots s’en est démarquée, notamment à travers un communiqué commun avec SUD-Rail !

L’implication de nombreuses et nombreux jeunes travailleurs dans cette lutte, l’importance mais aussi les difficultés de l’auto-organisation, la coordination des assemblées générales (qui ne doit pas se confondre avec leur manipulation), la faiblesse du syndicalisme interprofessionnel qui, de ce fait, ne répond pas assez vite aux besoins des secteurs en lutte, le piège des institutions qui détournent de l’affrontement direct avec le pouvoir et les patrons, le rôle des usagers avant, pendant et après la grève, le rapport aux non-grévistes, l’activisme antigrève de la CFDT, et bien d’autres thèmes encore font partie du bilan à tirer collectivement.

Nous y reviendrons.

Deux leçons à retenir

A chaud, nous mettrons un exergue deux éléments qui nous paraissent importants pour tous les syndicalistes révolutionnaires :

1. Il est toujours possible de construire et de mener une grève nationale reconductible ! Ce n’est pas rien de le rappeler. Mais cela nécessite un long travail préparatoire ; le poids du « syndicalisme de luttes » dans le secteur du rail y contribue beaucoup.

2. Cette grève est peut être un tournant dans les rapports CGT/SUD-Rail, avec pour la première fois des interrogations publiques de responsables CGT quant à la ligne confédérale, une unité interfédérale maintenue dans la durée, une critique de fait de la manipulation du Front de gauche…

Reste à voir si cette évolution se confirme et surtout si elle est prise en compte par les militants et militantes SUD-Rail dont beaucoup ont « grandi » en opposition aux pratiques peu reluisantes dont la CGT-cheminots fut coutumière.

Christian (AL Transcom)

 
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