Virgin : Innovation dans la répression anti-syndicale




Cédric Ostrowski, stockiste et représentant CGT chez Virgin, est tristement privilégié : c’est non seulement le premier employé, mais également le premier représentant du personnel, licencié pour « harcèlement moral » à l’encontre de son directeur ! Le point sur la lutte, engagée depuis un an.

Jamais, depuis l’adoption de la loi sur le harcèlement moral par le gouvernement Jospin en 2002, un employé, de surcroît représentant syndical, n’avait été licencié pour un tel motif ! C’est désormais chose faite, et c’est à la direction des magasins Virgin qu’on le doit. Il est vrai qu’elle a toujours su innover en matière de droit (anti)social - souvenons-nous de l’ouverture de ses magasins tous les dimanches dans les années 90 - mais le licenciement de Cédric constitue un précédent inquiétant pour le droit du travail.

La procédure de licenciement a débuté le 17 juillet 2003 par la mise à pied de Cédric, alors en arrêt de travail en même temps que sa supposée victime, puis par une réunion du comité d’entreprise le 25 juillet, dont la majorité des membres (dont ceux de la CFDT !) a voté en faveur de son licenciement (la CGT est pourtant majoritaire dans l’entreprise depuis les dernières élections)…

Une démarche hautement politique

Il faut savoir que les faits de harcèlement moral reposent sur des extraits de courriers que, en tant que délégué du personnel, Cédric a adressés au directeur (« Vous n’êtes pas Dieu ! », « Nous ne sommes pas des animaux »…). S’y ajoutent des témoignages émanant de l’encadrement, dont la véracité suscite les interrogations de l’inspecteur du travail chargé du dossier. De même, on a conclu à un comportement prétendument violent de Cédric à partir de ces mêmes témoignages, alors qu’il était un représentant du personnel apprécié, réélu avec 80 % des voix sur son site… L’inspection du travail a donc refusé ce licenciement le 25 septembre 2003, en réfutant la thèse du harcèlement moral du directeur, et en notant que le lien avec l’activité syndicale de Cédric ne pouvait être écarté.

C’est alors que la directrice des ressources humaines a déposé, le 8 novembre 2003, un recours hiérarchique auprès du ministère du Travail. Cinq mois plus tard, le ministre du Travail, François Fillon à l’époque, a autorisé le licenciement pour ce motif. Un verdict confirmé le 28 mai dernier par son successeur Jean-Louis Borloo.

Il était question, en agissant de la sorte, de briser l’action de la CGT, grandissante chez Virgin depuis 2002 - souvenons-nous de la grève mémorable de cette année au magasin des Champs-Élysées, dans le sillage de celle de la FNAC voisine - et de freiner la dynamique des luttes qui se développent dans le secteur du commerce depuis 2000, un secteur où règnent plus qu’ailleurs la précarité et la répression antisyndicale. L’affaire est désormais entre les mains du tribunal administratif qui, d’ici plusieurs mois, infirmera ou pas cette décision.

Nous poursuivons donc la lutte pour la réintégration de Cédric… et pour éviter qu’une dangereuse jurisprudence assimilant l’action syndicale à du harcèlement moral ne se crée. En effet, nous avons depuis appris que des camarades de Leclerc et de Tati avaient été inquiétés pour le même motif !

Une large solidarité

Dans le même temps, cette affaire continue à prendre de l’ampleur : de nombreuses manifestations sur plusieurs sites de l’entreprise ainsi qu’une visite, suivie d’un rendez-vous, avec notre actionnaire Hachette Distribution Service (groupe Lagardère) ; la parution de nombreux articles dans la presse ; des interventions auprès de la direction et du ministère ; la participation aux actions de syndicats (CFDT, CGT, CNT et SUD), d’associations (Stop-Précarité…), d’organisations politiques et d’élus LCR, PCF ou Verts. Le PS, pourtant principal promoteur de cette loi, est lui aux abonnés absents…

Toutes ces actions ont contribué à fragiliser la direction, à mettre en cause l’image prétendument sociale de Virgin, et ont attiré la sympathie du personnel. Elles ont aussi développé les liens interentreprises via des manifestations communes avec SUD-Nettoyage, pour la réintégration de Faty Mayant, licenciée par Arcade [1], et nos camarades de la librairie Flammarion du centre Georges-Pompidou, eux aussi en butte à la répression.

Nous apprenons beaucoup à travers cette lutte et saurons en tirer les fruits le moment venu car nous ne cessons pas, pendant tout ce temps, de servir au mieux les intérêts des salariés de Virgin.

Laurent D. (syndicaliste CGT-Virgin)

 Pour soutenir, prenez contact : cgtvirgin@yahoo.fr

[11. Lire Alternative libertaire n°132, septembre 2004.

 
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