Voir : Rouge, la couleur qui annonce le journal

Un film sympathique tourné dans les locaux de Rotographie, l’imprimerie de la LCR à Montreuil, avec des interventions des acteurs de l’époque – Victor, Kris, Krasny (Edwy Plenel) – qui témoignent de l’enthousiasme de cette période et de la fatigue qui en découlait. C’était aussi ça, la Ligue.
Rouge, hebdomadaire de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), devient quotidien le 15 mars 1976 et ce pendant trois ans. Libération est à cette époque le seul quotidien d’extrême gauche et réputé comme le journal des maos.
Créer un quotidien à partir de rien demande un effort fantastique, un esprit et une militance active, car cela s’avère d’entrée de jeu très complexe. La complexité est d’abord financière (il faut récolter des fonds, ce qui passe par l’organisation de fêtes pour le quotidien ou encore le lancement d’une souscription) puis technique : trouver une rotative (d’occasion), la faire livrer, l’installer puis ensuite la faire fonctionner. Tout cela dans l’improvisation la plus complète et un manque criant de savoir-faire, personne ou presque n’ayant de connaissances en termes d’imprimerie. Il faut apprendre sur le tas et dans l’enthousiasme. Le leitmotiv de cette aventure est l’improvisation militante, avec un rythme de travail dément (horaires de bouclage à respecter, contenu du journal à définir et à alimenter), une égalité salariale réelle, des engueulades mémorables et quelques ratés. Comme aimait s’en souvenir Alain Krivine, Rouge, « c’est le seul quotidien sorti en France avec des pages à l’envers… ».
Rouge, il faut l’écrire (évidemment), le faire connaitre, le vendre – en ventes militantes et pas seulement dans les kiosques de presse. Ce n’est plus uniquement la vente hebdo du samedi ou du dimanche matin mais une vente à la criée chaque fois que la nécessité politique le demande. C’est un journal très dense, mais il y a des pages « Culture » (avec le programme télé !) et même « Vie quotidienne ». Le volume de l’écrit est très important, mais c’est dans l’air du temps : la tradition scripturale est très ancrée à la Ligue.
Le quotidien Rouge est indissolublement lié à l’existence de Rotographie, la machine, le local, la société. Rotographie s’est voulue depuis le début comme une imprimerie militante au service du mouvement social (divers syndicats comme Sud et certaines associations comme Ras l’front y impriment leurs productions) et de l’internationalisme : solidarité avec l’Amérique latine, le Nicaragua, le Salvador, le Honduras, la Kanaky ainsi que l’aide à la construction d’imprimeries en Uruguay, en Espagne, au Portugal, en Euzkadi. Rotographie, une imprimerie au service des révolutions, prend ici tout son sens.
Si le quotidien Rouge s’est arrêté il y a maintenant 46 ans, l’imprimerie poursuit sa tâche au service des luttes d’aujourd’hui pour gagner les victoires de demain.
Nijni
- Rouge, la couleur qui annonce le journal, un documentaire du Nouveau Parti anticapitaliste réalisé par Olivier Besancenot, 2024, 1h22.





