UMP-Medef : La politique, c’est aussi empêcher les autres d’en faire




Il n’y a pas de place pour deux droites, le Medef n’est donc pas un partenaire fiable pour la droite au pouvoir. Ou comment les patrons les plus proches du parti chiraquien sont en train de reprendre le contrôle de l’organisation patronale pour la cantonner à un simple rôle de lobby.

Le Medef, quand la « gauche plurielle » (PS/PCF/Verts) était au gouvernement, rappelait opportunément que la gauche et la droite se valaient. Que la politique était devenue un art de gouvernement sans enjeux, si ce n’est, celui clientéliste, de s’y maintenir. Le Medef a été une vraie droite de combat contre la « gauche plurielle », sans que celle-ci soit capable de lui répondre. Arrivée au gouvernement, la droite a pillé immédiatement le programme du Medef. Cette droite revancharde et réactionnaire a donné des signes forts aux riches. Des signes idéologiques d’abord. Les premiers mois n’ont été que multiplication de positions idéologiques. La droite a repris le maximum du projet du Medef. Cependant, il y a un point qu’elle ne pouvait accepter. C’est celui où le Medef revendique de faire de la politique tout seul, sans intermédiaire. Alors la droite l’a bien fait comprendre. Ce sera tout ce que voudrez, mais la politique c’est nous.

Aussi, si le Premier ministre a pris le risque d’aller au congrès du Medef le 14 janvier 2003, ce n’est pas seulement pour dire aux patrons qu’il les aimait. C’est pour donner un signe fort. Certains ont même cru que, dans les raffarinades, c’était une faute de communication. Non, c’était un signe politique qui signifiait la politique maintenant on arrête. Car la droite craint le mouvement social, les luttes, mais aussi l’autonomisation politique du Medef. Elle sait qu’aujourd’hui elle peut donner des gages aux patrons, mais que, dans les moments difficiles, elle sera obligée de lâcher du lest pour se maintenir au pouvoir. Il ne faut pas qu’alors les patrons lui ouvrent un autre front. Ce n’est pas rien. La droite a tiré les leçons de la « gauche plurielle ». Elle sait ce qu’il a coûté à cette gauche de laisser faire cette deuxième droite patronale.

Donc, on donne des signes forts aux patrons. C’est le « je vous aime » et « je satisfais jusqu’aux limites possibles vos revendications ». Puis, « Attention, la politique c’est nous ! ». Enfin, je normalise l’appareil du Medef par le contrôle des proches de l’UMP. Cette dernière phase vise à faire reprendre au Medef son rôle de lobbying, de remettre en selle les anciens RPR qui avaient été minorés dans l’appareil du Medef (l’Union des industries métallurgiques et minières par exemple). On place des hommes de confiance aux postes clefs et on tente de normaliser l’appareil du Medef.

On sait que quand les choses vont aller mal, le Medef pourrait être tenté de la jouer autonomie vis-à-vis du gouvernement. Bien sûr, les choses sont plus nuancées et le Medef aura des soubresauts. Ernest-Antoine Seillière qui se félicite à tout bout de champ de la politique gouvernementale a dû manger son chapeau quand le gouvernement a déclaré sa volonté de lancer une négociation sur la formation professionnelle, alors qu’il venait de le faire le 22 janvier avec les confédérations.

En d’autres temps, pareille attitude aurait été violemment stigmatisée comme contraire à la démocratie sociale. Mais déjà le discours anti-étatiste, anticlasse politique a disparu. Il faut dire aussi que la droite a besoin du Medef, comme épouvantail et comme voie de sortie pour justifier son irresponsabilité politique. En effet, un pas de deux avec le Medef qui joue la surenchère et la droite donne l’impression d’être modérée. Une conception de la modération, genre Colombani du Monde où le centre se déplace à la mesure que la droite va de plus en plus vers la droite. Et, quand les difficultés s’amoncelleront, l’irresponsabilité politique sera pour la droite de défendre l’État minimal et de renvoyer aux partenaires sociaux le soin de se débrouiller. C’est là que la direction de la CFDT et sa position sur la loi et le contrat entre en concordance avec les intérêts de la droite et du Medef.

Thierry Renard

 
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