COP21, un an après : Résister aux fossoyeurs de la planète




Hormis quelques timides avancées en matière d’écologie, ­l’après-COP 21 s’est surtout soldé par des effets d’annonce inconséquents. Il est nécessaire de se rappeler les enjeux de la question climatique et de continuer la lutte.

Nous savions ne rien pouvoir attendre de la COP21, des chefs d’État, dirigeants d’entreprises et financiers. Pourtant, le tapage médiatique et l’activisme militant provoqués par l’événement avaient fait progresser la prise de conscience parmi la population. Mais l’actualité – attentats, état d’urgence et guerres impéria­listes – a eu pour effet d’évacuer des esprits la préoccupation climatique, au profit d’un climat de peur et d’autoritarisme. Il est temps de changer le climat social, pas le climat. Pour cela, un bref rappel s’avère nécessaire.

Des solutions officielles insuffisantes

L’objectif fixé par la COP21 était d’éviter un réchauffement global égal ou supérieur à 2 °C. Un réchauffement de 2 °C impliquerait la diminution des rendements agricoles (famines pour 200 000 personnes), un manque d’eau potable (1,8 milliard de personnes concernées), augmentation du niveau de la mer (10 millions de personnes seraient touchées), extension de la zone de paludisme (50 millions de morts), extinction de 15 à 37 % des espèces vivantes. Au-delà de 2 °C, les conséquences seraient encore plus dramatiques : les rendements agricoles pourraient s’effondrer, le manque d’eau potable pourrait toucher 4 milliards de personnes, l’augmentation du niveau de la mer jusqu’à 300 millions de personnes, l’extension de la zone de paludisme 400 millions de personnes, l’extinction des espèces vivantes (cette sixième extinction est déjà entamée) pourrait menacer l’humanité elle-même.

Pour éviter d’atteindre les deux 2 °C, il faudrait réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) de 25 % d’ici 2020 et de 80 % d’ici 2050 (par rapport à 1990, ce niveau ayant augmenté depuis). Pour les pays « développés », principaux émetteurs de GES, l’objectif serait encore plus important : réduire les émissions de 40 % d’ici 2020 et de 95 % d’ici 2050.

Pour la France, les principales sources d’émission de GES sont les transports (environ 28 %), l’agriculture (21 %), l’industrie (18 %), l’habitat et le tertiaire (18 %), l’énergie (12 %), les déchets et autres (3 %). La déforestation, qui serait responsable d’une augmentation de 17 % des émissions mondiales de GES, exerce également une influence sur le réchauffement climatique.

Les solutions officielles – principalement géo-ingénierie et greenwashing – seront largement insuffisantes. Il faut réduire drastiquement la consommation globale de matières premières et d’énergie. Ceci suppose, à minima : l’abolition de l’obsolescence programmée et sociale, des produits à usage unique, emballages jetables et suremballages ; développement des circuits courts, des transports et équipements collectifs, des technologies douces (low tech), amélioration de l’isolation des habitats, production priorisant les besoins les plus fondamentaux. Au-delà, certains choix sociaux seront très certainement nécessaires (par exemple, abandon du numérique, ou conservation avec des abandons compensatoires dans d’autres domaines).

De tels changements entreront nécessairement en contradiction avec la logique du capital. Pour assurer sa croissance, le capitalisme doit toujours produire davantage, en consommant toujours plus de matière et en exploitant toujours plus de force de travail. Produisant toujours plus avec proportionnellement moins de force de travail, le capital éprouve déjà des difficultés à se valoriser, générant une profonde crise systémique. S’il poursuit sa course désespérée à la valorisation, il provoquera nécessairement des crises écologiques majeures : pénurie de ressources, donc arrêt du système et récession brutale, ou extinction d’espèces entraînant celle de l’espèce humaine elle-même. Si, inversement, les nécessités écologiques sont sérieusement prises en compte, les mesures qui en découleront ne pourront qu’aggraver la crise économique. Pour limiter l’ampleur du réchauffement climatique, il faut sortir du capitalisme !

Les États font preuve d’un autoritarisme croissant : lois liberticides, recours à l’état d’urgence prolongé, poussée des extrêmes droites, traduisent une tendance à la mise en place d’états d’exception potentiellement permanents. Avec le capitalisme, les contraintes écologiques s’appliqueront dans le sens d’une justice de classe. Les classes les plus aisées auront toujours accès à une consommation élevée, au confort matériel et technologique, aux zones d’habitation les plus favorables ; les plus pauvres devront s’accommoder de conditions matérielles extrêmement dégradées. Une telle situation entraînerait de nombreuses contestations sociales. L’arsenal répressif et liberticide développé sans limites par les États actuels constituera un outil idéal pour briser les révoltes sociales et asseoir l’ordre de classe en contexte de crise écologique. Il faut donc lutter sans plus attendre, pour une société libertaire, où les décisions seront prises à la base, dans le sens de l’intérêt et du bien-vivre, et non pas par des élus qui ne représentent qu’eux-mêmes et défendent leurs intérêts de classe.

Selon l’ONU, le nombre de réfugié.es climatiques s’élèverait à 250 millions aux alentours de 2050. A titre de comparaison, toujours selon l’ONU, le nombre de réfugié.es actuel serait de 65 millions. Les États capitalistes européens sont déjà dépassés par le million de réfugié.es syriennnes et syriens. Comment parviendront-ils, dans les décennies à venir à gérer l’afflux, bien plus important, de migrantes et de migrants climatiques ? Avec la tendance actuelle, se multiplieront les réactions nationalistes, racistes et xénophobes. Contre cette société inhumaine, nous devons défendre la liberté de circulation et d’installation, l’entraide internationale et la perspective d’une société cosmopolite ! Le réchauffement climatique traduit la crise systémique globale. La riposte doit se traduire par une lutte anticapitaliste, autogestionnaire, antiraciste et internationaliste. À crise globale, lutte globale !

Floran (AL Marne)


La COP22 à Marrakech

Le fameux accord de Paris issu de la 21e conférence sur le climat (COP21) est
entré en vigueur le 4 novembre 2016, tandis que la COP22 (du 14 au 18 novembre
à Marrakech) s’est présentée comme la conférence de sa mise en œuvre, bien qu’elle
se soit ouverte sur l’élection D. Trump, ennemi autoproclamé de toute mesure environnementale. D’ailleurs, les mesures promises à Paris de transition économique vers un modèle moins consommateur ne viennent pas, écrasées sous un système
de croissance, de consommation et de concurrence inchangé*. Quelle est donc
la valeur de cette énième COP de Marrakech ? Un pur produit diplomatique,
où les communautés les plus touchées écologiquement tentent de réclamer, via
les trop maigres financements mondiaux, leur dû aux puissances qui ont détruit
leurs écosystèmes, pendant que les pays émergeants comme l’Inde négocient comme les autres leur droit à polluer. En marge, les opposantes et opposants de la COP22
ont tenu une mobilisation importante, contre les énergies fossiles, ou faisant le lien entre problématiques migratoires et écologiques. Mais la seule prise de conscience, sans le pouvoir, n’a aucun effet concret.

* D’intéressants articles sur les projets et législations qui doivent décliner les objectifs climatiques,
ainsi que leur difficultés patente, sur les sites www.euractiv.fr.

 
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