Luttes de l’immigration : Comment ça a marché…




Nous fêterons le 3 décembre prochain les 30 ans de la première marche pour l’égalité et contre le racisme. Se souvenir de ces luttes est un enjeu primordial dans un contexte d’offensive raciste sans précédent.

Il y a trente ans, les premières marches pour l’égalité partaient de Marseille, à l’initiative de jeunes de la banlieue lyonnaise soutenus notamment par le curé Christian Delorme pour dénoncer les crimes racistes et sécuritaires, touchant de plein fouet les immigré-es et enfants d’immigré-es dans les cités de France. Un formidable mouvement d’émancipation dura pendant plusieurs années. En 1984 et 1985, d’autres marches eurent lieu comme Convergence 84 et Divergence 85. Il y eu également de nombreuses luttes pour l’égalité des droits et contre les violences policières durant cette décennie, le plus souvent suite à des crimes policiers [1]. Ces luttes ont permis de faire sortir de l’invisibilité la jeunesse issue de l’immigration et de prendre à témoin la société française sur leur vécu et les différentes oppressions qu’ils et elles subissaient.

Ce formidable mouvement d’émancipation s’est vu neutralisé par le Parti socialiste, avec notamment la création de SOS-Racisme, créé afin de d’amoindrir la radicalité du mouvement et pour récupérer son potentiel mobilisateur à des fins électorales.

Enjeu pour aujourd’hui

Avec la sortie en décembre de la grosse production cinématographique La marche avec Jamel Debbouze, il est probable que cet anniversaire fera l’objet de débats et de reportages médiatiques. L’enjeu est de taille car le PS et SOS-Racisme profiteront certainement de l’occasion pour mettre en avant leur version creuse et aseptisée de l’antiracisme, et pour améliorer leur image à bon compte, malgré les politiques mises en place par le gouvernement actuel (stigmatisation arrestations et expulsions des Roms et des sans-papiers, stigmatisation des musulmans et musulmanes et nouveau projets de lois anti-voile, répression policière dans les cités comme à Trappes cet été…). Ce même PS, qui a décidé de renvoyer aux calendes grecques le projet de droit de vote pour les étrangers, qui fut une des revendications des marcheurs il y a déjà trente ans. Cet anniversaire doit être l’occasion de rappeler l’histoire de ces luttes peu connues, et des stratégies politiciennes diverses qui eurent lieu à gauche afin de casser les dynamiques associatives autonomes et revendicatives dans les quartiers. Ce sera aussi l’occasion de poser clairement dans le mouvement social le problème du paternalisme et de dénoncer clairement l’idéologie intégrationniste et assimilationniste, qui fut celle mise en œuvre les années et décennies suivantes, accompagnant le reflux des luttes de l’époque, masquant la question sociale et transformant la question antiraciste en une question morale, ou limitée à l’opposition à l’extrême droite. Nous ne pourrons que constater que depuis les années 1980, les crimes policiers racistes n’ont pas cessé, les discriminations non plus, et que les quartiers populaires connaissent toujours davantage la précarité, la misère et la répression.

Campagne

Une campagne se monte, initiée par le collectif Egalité des droits-justice pour tous, dont l’enjeu est de ne pas laisser le PS décréter sa version de l’histoire. Alternative libertaire est signataire, et a pour sa part déjà participé à ce « devoir de mémoire » en projetant lors de l’édition de la Foire à l’autogestion en juin dernier à Montreuil le film Douce France, en compagnie de son réalisateur Mogniss H. Abdallah. Ce film retrace l’histoire de ces luttes des années 1980 et 1990, des luttes pour la vérité et la justice jusqu’au lutte contre la double peine en passant par la mémoire du 17 octobre 1961. Les luttes de cette époque sont à connaitre, car le combat est toujours d’actualité et des leçons sont à retenir.

Nicolas Pasadena (commission antiraciste)

[1Abdenbi Guemiah à Nanterre en 1983, Abdel Benyahia à la Courneuve en 1986.

 
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