Oaxaca (Mexique) : une région en révolte




Alors que des manifestations de masse se poursuivent à Mexico pour dénoncer la fraude électorale du PAN aux récentes élections présidentielles, la situation de l’état de l’Oaxaca est tout aussi effervescente, puisque étudiant-e-s et travailleur-se-s exigent la destitution de leur gouverneur.

Le 22 mai dernier, les enseignant-e-s (instits, principalement) de l’État d’Oaxaca entrent en grève pour les salaires (rattrapage du pouvoir d’achat). N’obtenant pas satisfaction, ils reconduisent le mouvement. Le 14 juin, le gouverneur de l’État, Ulises Ruiz (Parti révolutionnaire institutionnel, PRI, parti de droite mafieux au pouvoir de 1929 à 2000, qui gouverne plusieurs états ou régions du Mexique) déclenche une brutale répression pour en finir avec la mobilisation.

Une raclée pour le PRI

Cela radicalise le mouvement, dont le principal mot d’ordre devient dès lors la destitution du gouverneur. Cette revendication trouve très rapidement un écho favorable dans la population : non seulement la brutalité envers les enseignant-e-s a choqué, mais elle venait après bien d’autres perpétrées dans l’état contre le mouvement social, c’est-à-dire principalement contre des organisations indiennes, communautaires ou régionales. Signalons que cet état du sud du Mexique est, avec le Chiapas, voisin, un des plus indiens du pays (Zapotèques, entre autres). La répression contre les enseignant-e-s est la goutte qui a fait déborder le vase. De plus, tout le monde sait qu’Ulises Ruiz est arrivé au poste de gouverneur grâce à une fraude électorale massive ; son parti, le “ Parti révolutionnaire institutionnel ” (cherchez l’erreur !) a 80 ans d’expérience en ce domaine.
C’est ainsi que des centaines de milliers de manifestant-e-s venu-e-s de tout l’état ont occupé la rue et pris plus de trente mairies. Près de 350 organisations, communautés indiennes, syndicats et associations civiles ont alors formé l’Assemblée populaire du peuple d’Oaxaca (APPO), qui se présente comme la représentation légitime du peuple souverain face au pouvoir illégitime d’Ulises Ruiz.
Cela a coïncidé avec les élections fédérales (présidentielles, législatives et sénatoriales) du 2 juillet, qui ont donné aux Oaxaquègnes l’occasion d’infliger une sévère raclée au PRI, ainsi qu’au PAN (droite, au pouvoir à Mexico).

Depuis lors, une très large part de la société ne reconnaît plus Ulises Ruiz comme gouverneur de l’état. L’APPO refuse de négocier avec lui ou ses représentants. Elle a entamé avec succès une campagne de désobéissance civile pacifique. C’est l’APPO qui assume de fait le contrôle politique de la capitale de l’état.

Bandes armées au service du pouvoir

Bien sûr, cela ne se passe pas sans anicroches. Le 22 juillet, par exemple, un groupe de 20 “ inconnus ” a tiré avec des armes de forte puissance contre les installations de Radio Universidad, qui est devenue le principal porte-voix du mouvement. Des cocktails molotov ont aussi été lancés contre la maison du secrétaire régional du Syndicat national des travailleurs de l’éducation (SNTE), et celle du dirigeant de l’Organisation indienne pour les droits de l’homme (OIDHO).

Le mardi 15 août dernier, d’autres “ inconnus ” ont tenté d’assassiner un responsable de l’APPO dans le village de San Bartolo Coyotepec. La foule en a attrapé deux sur trois, qui ont été formellement reconnus par plusieurs témoins comme des policiers ; ceux-ci ont affirmé “ n’être pas en service ”. Retenus par l’APPO, ils ont été remis le lendemain à des représentants de la Croix Rouge. Jeudi 18 août, un enseignant a été blessé par balle lors d’un blocage de rue. La police municipale de la capitale de l’état freine des quatre fers pour ne pas affronter le mouvement ; mais il existe au Mexique assez de corps de police différents, sans parler des pistoleros du PRI, pour trouver des volontaires des basses œuvres. Le journal mexicain La Jornada (gauche) dit dans un article paru le 18 août : “ Les bandes organisées de cogneurs armés et de policiers “en congé” pullulent et commettent des agressions. ” Il dit également : “ On enlève des dirigeants, des militants, lesquels, après avoir été torturés, “réapparaissent” dans des locaux policiers où on les emprisonne officiellement, et le lendemain, les porte-parole institutionnels annoncent tranquillement qu’ils ont “capturé” un “agitateur” ou un “délinquant”, comme si devant la mobilisation généralisée on pouvait pratiquer ces mesures “chirurgicales” qui rassurent le patronat. ”
Les enseignant-e-s tiennent un planton depuis 4 mois dans le centre d’Oaxaca qui est bloqué par des barricades, comme l’ont été les faubourgs à plusieurs reprises lorsque la police cherchait l’affrontement. Depuis la mi-septembre, l’APPO et le syndicat des enseignants ont entamé des rencontres avec des représentants de l’état fédéral pour trouver une issue, tandis que des policiers fédéraux ont pris position à proximité de la ville. En appui à l’APPO, des centaines d’étudiant-e-s occupent le rectorat. Une marche vers Mexico a démarré le 22 septembre.

CJ

 
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