A Contre Courant : Un théâtre d’ombres




Chaque mois, le mensuel Alternative libertaire reproduit l’édito de la revue alsacienne À Contre Courant, qui de son côté reproduit l’édito d’AL. Pour contacter ces camarades : ACC, BP 2123, 68060 Mulhouse Cedex.


Comme en écho à l’éditorial de février dernier dans lequel nous écrivions que « quelle que soient pour elle les conséquences institutionnelles, la droite exécutera sa besogne », Fillon déclarait, dès le soir du 1er tour, « Nous continuerons, quel que soit le résultat des élections ». En moins de deux ans, 2002 et 2004, les deux gouvernements du pays ont été successivement défaits sur le terrain électoral. À deux reprises le salariat aura dit la même chose : « Nous ne voulons pas d’une politique de droite ». Aux présidentielles ce n’est pas la gauche qui a perdu mais la politique de droite du gouvernement Jospin qui a été récusée. De même, lors de ces régionales, c’est la droite qui a perdu et non la gauche qui a gagné. Et c’est certainement cette même volonté de classe de battre la droite qui explique le recul de LO-LCR au premier tour, cette alliance qui n’ouvrait d’autre perspective immédiate que le risque d’une victoire par défaut de l’UMP.

Avec moins de 10 % des inscrits au premier tour, 1,3 million d’électeurs perdus en 2 ans, toutes les régions à gauche sauf l’Alsace (heureusement pour la droite que l’Alsace n’est plus allemande !), le gouvernement prétend pourtant poursuivre voire accélérer sa politique. Une politique d’autant plus autoritaire et brutale qu’elle sera celle d’un pouvoir aux abois ! Cette nouvelle débâcle d’un parti de gouvernement sans que l’opposition ait mise en avant un quelconque projet, programme ou leader, manifeste la profondeur de la crise politique et sociale. Ces élections auront en effet montré que les luttes institutionnelles ne parviennent plus à remplir leur fonction d’écran au conflit de classe qui oppose le salariat au patronat. Car si chacun avait depuis longtemps compris que Raffarin n’était que le porte-parole des intérêts de Seillière et de la clique du Medef, les régionales auront contraint une « gauche » parlementaire, à travers son slogan « Stop au gouvernement », à dévoiler que sur le fond elle n’a rien à proposer aux exploités.

Encore moins aujourd’hui qu’en 1981, aucun jeu d’alternance électorale en France ne peut répondre à l’exigence de défense et de reconquête des droits collectifs et sociaux du salariat. Car, sous la pression du capital transnational, toutes les institutions européennes (UE) et internationales (FMI, OMC, AGCS...) organisent et imposent leur démantèlement au niveau mondial.

Depuis un an c’est sur le mouvement social et sur lui seul que reposent espoirs et responsabilités : il lui faudra déjouer les illusions de la victoire électorale de la droite socialote - ce ne sera peut-être pas trop difficile ; débusquer les équivoques des directions syndicales confédérales - ce qui sera déjà plus délicat, mais surtout se donner les moyens programmatiques et pratiques (par l’organisation à la base de comités de résistance à la casse sociale) de mener des luttes victorieuses sur les fronts à venir : Sécu, droit du travail, services publics, etc.

Au fond, le 28 mars 2004 risque de répéter et prolonger le 10 mai 81 : répéter l’illusion d’une victoire électorale qui se terminera par une amertume sociale ; prolonger, au seul profit du Capital, la prise de contrôle par le PS de « l’appareil d’État centralisé » par celle de « l’appareil d’État délocalisé ». À moins que l’irruption du mouvement social ne parvienne à bouleverser une donne institutionnelle aujourd’hui verrouillée.

 
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