Associations : Amputer pour mieux dompter




L’État joue de son autorité pour ouvrir les portes aux financements privés et à la précarité dans le monde associatif. La technique : couper dans les budgets. Le but : dompter les associations.

La Cimade [1], association de solidarité avec les migrantes et les migrants, est en passe de perdre son monopole dans les centres de rétention. L’État a fait passer l’été dernier un décret dans ce sens, pour qu’elle ne puisse plus assurer un égal traitement sur tout le territoire et avoir une vision d’ensemble de la rétention des étrangers. Pour cela, l’État a réalisé un appel d’offres.

L’exemple de la Cimade révèle un mode de fonctionnement, surtout pour les petites associations : le passage du financement public d’un projet associatif d’intérêt général au financement d’une prestation pour le compte de l’autorité publique. Cela remet en cause l’indépendance des associations, dans leur manière d’intervenir comme dans leur fonction d’interpellation.

Mais les attaques sont souvent plus directes. Depuis l’hiver dernier, le mouvement associatif entreprend des actions face à la disparition de 25 % de leur budget, non versé par l’État et l’arrêt des mises à disposition (MAD) d’enseignants.

Disparition de 25 % du budget

Les grosses associations dites complémentaires de l’école, regroupées au sein d’un collectif appelé G8 [2], ainsi que des structures comme l’Afev [3] ont réussi à négocier le maintien des budgets obtenus dans le cadre des contrats pluriannuels ainsi que les MAD jusqu’en 2010. Mais l’État se réserve le droit de bloquer, comme en 2008, 25 % des subventions.
Le temps de laisser passer la « crise » mais aussi de valoriser les stages étudiants, le service volontaire et de mettre en place le service civil obligatoire. Ce dernier permet d’avoir des salarié-e-s à bon marché pour remplacer les MAD. La précarité des postes ira très bien à nos grandes associations qui changeront de personnels en fonction des appels d’offres lancés par l’État ou les collectivités territoriales.

Vidéosurveillance

La Révision générale des politiques publiques (RGPP), engagée à marche forcée depuis juillet 2007 a pour effet direct d’hypothéquer le travail que les associations effectuent depuis de longues années sur le terrain, les moyens de les soutenir n’étant plus réunis. Les associations sont en effet toutes désignées comme variable privilégiée de cette politique « d’ajustement budgétaire », les dispositifs publics dans lesquels les associations pouvaient inscrire leurs actions étant atteints au cœur de leurs missions.

L’engagement associatif est souvent issu de la conscience de besoins sociétaux non couverts et la volonté de promouvoir d’autres manières de penser, d’agir, de vivre ensemble afin de changer les pratiques sociales, tout en participant à la construction d’une société plus juste.

Or, au travers des associations, ce sont les citoyens les plus vulnérables, les habitantes et les habitants des quartiers paupérisés où sont surreprésentés les migrants qui sont visés. Ce n’est pas un hasard si les mesures de contrôle sociales comme la vidéo et les fichiers se développent.

Une autre tendance se fait jour depuis plusieurs années et consiste à inciter les associations à recourir aux financements privé. Le fait que cette modalité de financement puisse être posée, interroge quant à la nature de la société que nous voulons. De plus en plus de sociétés privées répondent aux appels d’offres et sont désormais acceptées par les pouvoirs publics.

Enfin, se pose la problématique de l’emploi associatif. Alors que ce secteur compte 180 000 structures employeur-se-s et quelques 2 millions de salarié-e-s ; on peut déplorer l’absence de réflexion globale quant à leur avenir.

Noël Morel (AL 95)

[1Association œcuménique de solidarité, seule habilitée à s’occuper des migrantes et des migrants dans les centres de rétention.

[3Association de la fondation étudiante pour la ville.

 
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