Chypre : Prendre aux pauvres pour donner aux banques




Après la Grèce ou l’Irlande, c’est au tour de Chypre de passer sous les fourches caudines de la Troïka (Union européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international). Mais le plan de « sauvetage » a défrayé la chronique en envisageant un moment de puiser directement dans les dépôts des chypriotes pour recapitaliser les banques.

Chypre est (était ?) un paradis fiscal où des mafieux russes, mais aussi des capitalistes bon teint, viennent blanchir leur argent. Résultat : un secteur bancaire hypertrophié, représentant huit fois le PIB du pays. Et des risques démultipliés en cas de problème – par exemple, l’actuelle crise financière…
Les Européens feignirent de découvrir avec étonnement que Chypre était un paradis fiscal, et cela a servi à justifier, en juin 2012, les conditions d’un premier prêt, contracté auprès du FMI et de l’Union européenne, pour renflouer les banques au bord de la faillite. Puisque Chypre est un refuge pour mafieux, n’est-il pas légitime d’aller chercher l’argent dans les comptes ouverts dans les banques du pays ? En échange d’un plan de recapitalisation des banques de 10 milliards d’euros, 5,8 milliards d’euros devaient ainsi être prélevés sur les dépôts. « Les contribuables allemands n’ont pas à payer pour les oligarques russes », a déclaré Angela Merkel. L’existence de paradis fiscaux n’empêche guère de dormir les dirigeants européens, au point d’y avoir eux-mêmes recours, comme le montre l’exemple récent de Jérôme Cahuzac et de son compte en Suisse. Mais hors de question que cela leur coûte un centime lorsque le système s’effondre.

Un premier projet prévoyait le 18 mars un prélèvement sur les dépôts de 6,75 % en-dessous de 100 000 euros et de 9,9 % au-delà. L’absurdité le dispute au cynisme : sous couvert de taxer la mafia russe, pourquoi ne pas récupérer quelques millions sur le dos des salarié-e-s et retraité-e-s chypriotes ?

Cynisme technocratique et mobilisation populaire

Certes, ils et elles n’ont guère bénéficié du statut de paradis fiscal de leur pays, mais en ces temps de crise, les sacrifices ne doivent-ils pas être partagés, comme le répètent à l’envi les dirigeants européens ? Les Chypriotes n’ont-ils pas vocation, de leur côté, à payer pour « les oligarques russes » ?

Devant tant de cynisme, des manifestations rassemblant des milliers de personnes se sont multipliées sur l’île et, le 25 mars, un nouveau plan a renoncé à prélever les comptes de moins de 100 000 euros. Ainsi, le volet bancaire du plan de « sauvetage » n’imposera aucun prélèvement aux travailleuses et travailleurs modestes. Au passage, les banques européennes installées sur l’île (comme la BNP Paribas, la Société Générale ou la Deutsche Bank), seront également épargnées : il ne faudrait quand même pas que pour les banques des pays européens dominants, le paradis (fiscal) se transforme en enfer.

Mais qu’on se rassure, le peuple paiera malgré tout pour les banques : le plan imposé par la Troïka comporte, comme chaque fois, son lot de privatisations, de baisses des prestations sociales ou des salaires de fonctionnaires.

Vincent (AL Paris-Sud)

 
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