Congrès LCR : Navigation à vue




Le XVe congrès de la LCR, auquel Alternative libertaire était invitée, s’est tenu du 30 octobre au 2 novembre à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). L’essentiel des débats a porté sur les élections régionales et européennes de 2004 et l’alliance avec Lutte ouvrière (LO).

La surprise créée par Olivier Besancenot à l’élection présidentielle de mai 2002, a conduit à un renforcement numérique de la LCR et l’a fait, pour la première fois de son histoire, exister sur le plan électoral. La gestion de ce succès conduit la LCR à une évolution paradoxale : une "rebolchevisation" idéologique de plus en plus associée à un rapport aux institutions de type social-démocrate.

Pour prendre la mesure de cette évolution, il faut se souvenir de la Ligue "poil à gratter de la gauche" d’il y a quelques années, c’est-à-dire de la campagne Juquin en 1988, de la recherche du dialogue avec la "gauche plurielle" en 1996-97, en passant par l’appel à voter Voynet à l’élection présidentielle de 1995. La situation a bien changé depuis la candidature LO-LCR aux élections européennes de 1999, enjeu d’une radicalisation en interne, puis la recomposition de majorité au congrès de 2000, qui a vu la tendance gauche (Révolution) de la LCR intégrer la direction, enfin l’intégration de Voix des travailleurs, héritière du style LO.

La LCR d’aujourd’hui n’est donc pas la même qu’il y a cinq ans : durcissant le ton envers la "gauche libérale", tournant le dos au marécageux appel Ramulaud, faisant même quelques œillades aux communistes libertaires via le livre de Besancenot-Sabado, Révolution.

Mais avec l’histoire qui est la sienne, le gauchissement s’accompagne de velléités avant-gardistes dangereuses pour les mouvements sociaux. Ainsi le sabotage de l’École émancipée, tendance syndicaliste révolutionnaire de l’Éducation, sacrifiée sur l’autel des alliances d’appareil au sein de la FSU. Ainsi l’appel à une "grande manifestation contre les licenciements" en septembre, démarche substitutiste par rapport au mouvement syndical, et qui a échoué faute de partenaires.

Parallèlement à ce retour d’avant-gardisme qui laisse craindre des attaques contre l’autonomie du mouvement social, on voit donc la LCR considérer de plus en plus les élections comme un enjeu stratégique. Le tournant en ce sens date de 1996. Il importe de faire un score, d’avoir des élu(e)s (y compris en réclamant régulièrement le scrutin proportionnel), que ces élu(e)s aient "un bilan", les subventions d’État afférentes, etc. Partant de là, le jeu des alliances devient vital, même s’il est purement pragmatique, comme avec Lutte ouvrière. Cette alliance est sans doute aussi un moyen pour la direction de la LCR de radicaliser ses troupes face à des tentations réformistes du type Ramulaud, et de donner des repères de classe (au moins en apparence) à de nouveaux adhérent(e)s peu formé(e)s et gagné(e)s essentiellement sur une dynamique électorale.

L’appel à la création d’un "grand parti anticapitaliste" s’adressant à l’ensemble de la gauche alternative sert essentiellement à consoler la tendance minoritaire de la LCR, qui voit dans l’accord avec LO une impasse sectaire. Cela n’aboutira sans doute pas davantage que l’appel similaire lancé en juin 2002, mais ça ne mange pas de pain.

Dans son adresse aux congressistes, Alternative libertaire concluait : "Le jeu est ouvert. Nous attendons davantage les militant(e)s de la LCR dans les luttes sociales de demain, que dans des tractations avec la future néo “gauche plurielle”, ou dans des alliances électorales qui laissent sceptiques." C’est toujours vrai.

Guillaume Davranche (AL Paris-Sud), Laurent Esquerre (AL Paris-Est)

 
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