Dossier Palestine : AL : Quelle solution au conflit ?





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Dans les mois qui suivirent l’éclatement, en octobre 2000, de la Seconde Intifada, Alternative libertaire s’engageait dans le soutien au peuple palestinien. L’organisation ressentit, cependant, le besoin d’une clarification sur les buts poursuivis. Il n’était pas possible de s’en tenir aux slogans : « Palestine vivra, Palestine vaincra ». Certes, mais après ?

Lors de son congrès de 2002, AL se dotait donc d’un texte d’analyse et d’orientation sur la question, caractérisant le conflit israélo-palestinien comme un conflit colonial, et le projet du sionisme comme celui d’une « épuration ethnique » menée « y compris en temps de paix », dans le but de maintenir un État, Israël, « démographiquement homogène » pour employer l’euphémisme en usage au Parti travailliste.

En conclusion de ce texte, AL se penchait sur les questions brûlantes débattues dans la gauche palestinienne ou propalestinienne pour une solution au conflit : un État ? deux États séparés ? une fédération binationale ? AL ne voulait pas se limiter aux proclamations de principe du type « les travailleurs palestiniens et israéliens doivent s’unir contre leurs bourgeoisies respectives et abolir les frontières et les États ». Et, il faut bien le reconnaître, cette réflexion devait beaucoup à l’ouvrage de Michel Warshawski et Elias Sanbar, Israël-Palestine : Le défi binational (textuel, 2001).

C’est la dernière partie de ce texte de congrès que nous republions ici.

Le texte intégral peut être consulté dans la section Textes de congrès.


[…] La paix ne pourra se faire sans justice. Essayer d’obtenir la paix sans répondre aux aspirations profondes d’autonomie et de reconnaissance du peuple palestinien ne pourra conduire qu’à l’échec, à la désillusion et, de nouveau, à l’insurrection populaire. C’est la signification de l’échec du pseudo « processus de paix » d’Oslo, qui a volé en éclats avec la seconde Intifada, en octobre 2000.

Plusieurs hypothèses sont avancées comme solution au conflit.

1. La création d’un État palestinien. Cette concession acceptée par l’OLP à Oslo en 1993 est un triste recul par rapport au projet initial de « Palestine démocratique ». Elle reconnaît l’existence de l’État d’Israël et la nécessité d’une partition ethnique. Un État est aujourd’hui l’objectif de court terme de la résistance, qui permettra au peuple palestinien un minimum de sécurité dans des frontières internationalement reconnues. Ce ne peut être une solution durable, la viabilité d’un tel État, grand comme un département français et sans continuité territoriale, étant plus que douteuse.

2. La naissance d’une fédération israélo-palestinienne. Dans les frontières d’un État unique, deux entités juridiques, une « israélienne » et une « palestinienne ». Ce projet a l’avantage de garantir l’autonomie culturelle et l’égalité en droits de deux peuples qui se pensent différents, et notamment de répondre à l’aspiration profonde des Israéliens à un « foyer national juif ». Mais sur le long terme, il représente un risque de dérive à la libanaise, avec son morcellement communautaire (Séfarades, Ashkénazes, Anglo-saxons, Russes, musulmans, druzes, chrétiens, Éthiopiens…).

Ces deux projets ont essentiellement une valeur tactique, non antagonistes, ils expriment ce qui peut être possible, par étapes, dans une situation donnée, à un moment donné. Ils ne doivent pas focaliser les débats car, en eux-mêmes, ils ne satisferaient pas les attentes palestiniennes – ils ne répondent pas, par exemple, à la question cruciale des réfugiés et de leurs droits, question qui tant qu’elle ne sera pas réglée sera source de conflit majeur.

3. Un pays unique, laïque et démocratique, qui ne pourrait avoir pour nom « Israël » (terme emblématique du sionisme et consacré en 1947) reste la seule solution politique à même d’assurer la paix et l’égalité entre tous les citoyens, quelle que soit leur appartenance culturelle. Cette solution, si elle est hors de portée en 2002, reste de mise pour tous les militants, israéliens comme palestiniens, hostiles à la ségrégation ethnique. La présence de forces religieuses intégristes, en Israël comme en Palestine, ayant une interprétation religieuse et raciste du conflit, risque de mettre en péril un tel projet. En retour, la réconciliation, la paix, l’égalité et la laïcité sont les meilleures armes pour combattre ces intégrismes.

AL se prononce pour le droit à l’autodétermination du peuple palestinien

Pour la résistance palestinienne, soutenue par la majorité de la population palestinienne, cette autodétermination implique :
 l’évacuation par l’armée israélienne de tous les territoires occupés depuis 1967 ;
 le démantèlement de toutes les colonies et infrastructures coloniales en Cisjordanie et dans la bande de Gaza ;
 le droit des réfugiés au retour dans leurs foyers ou à une juste indemnisation ;
 l’égalité réelle des droits entre citoyens arabes et non arabes en Israël ;
 le droit à la création d’un État viable à côté d’Israël. Garder la perspective, sur le long terme, d’un pays unique, laïque et démocratique, reste cependant une nécessité ;
 l’aide à la reconstruction de toutes les infrastructures détruites et de l’économie palestinienne.

Dans l’immédiat, Alternative libertaire :
 réaffirme son soutien à la résistance palestinienne ;
 réaffirme son soutien aux anticolonialistes et aux réfractaires de l’armée israélienne ;
 condamne toute interprétation et revendication raciste ou religieuse liée au conflit en Palestine et, de façon générale, condamne tous les racismes. L’antisémitisme n’a aucune excuse qu’il soit porté/véhiculé par des individus et/ou population opprimé-e-s ou non. Le racisme anti-arabe comme l’antisémitisme sont instrumentalisés, par l’État israélien pour justifier sa guerre ethnique, par les intégristes musulmans, par les dirigeants et classes dominantes des pays arabes. Nous affirmons que la double lutte contre le racisme anti-arabe et contre l’antisémitisme est une clé essentielle de la paix et de la résolution du conflit israélo- palestinien ;
 appelle à exercer des sanctions économiques sur l’État israélien colonial, d’une part par l’abrogation de l’« accord d’association » économique, militaire et scientifique entre l’Union européenne et Israël ; d’autre part, sans attendre, par le boycott des produits importés d’Israël ;
 appelle à l’arrêt de toute coopération militaire avec l’État d’Israël ;
 constate la nécessité d’une protection du peuple palestinien qui pourrait se concrétiser par l’intervention d’une force internationale. Cependant, nous n’accordons que peu de confiance à une telle intervention, qui ne réglera pas les problèmes fondamentaux que sont le sort des réfugiés et les discriminations en Israël, mais qui pourrait faire cesser l’effusion de sang et la destruction politique et culturelle d’un peuple.

Congrès d’Orléans d’AL (2002)

 
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