FMI : Une régulation au service du capital




L’implication du FMI est grande, dans le déclenchement de la crise comme dans les plans de rigueur qui s’ensuivirent. Aujourd’hui, l’institution prône une «  nouvelle gouvernance  », mais qui se situe en fait dans la continuité de ses politiques

En octobre 2010, le FMI publie ses perspectives concernant l’économie mondiale en général  [1]. Le document releve notamment que la croissance a été particulièrement «  chaotique  » en Europe, et que plusieurs pays membres de l’Union européenne a mis en œuvre des «  politiques insoutenables  », à la source d’une véritable «  crise de la dette souveraine  ». Le FMI fait preuve d’un optimisme tempéré pour l’avenir. «  La reprise a fini par s’affirmer, mais elle restera sans doute modérée et inégale  ». Surtout, le rapport pointe les faiblesses possibles de l’économie européenne, en insistant sur la nécessité de réduire strictement les dépenses publiques.

Le FMI nous gratife alors de quelques exemples de réformes souhaitables. Deux mesures phares se dégagent d’emblée  : relever l’âge de départ à la retraite, «  pour refléter l’allongement de l’espérance de vie  », et s’attaquer au système de protection sociale.
Passons sur les lacunes d’une telle argumentation  : le document ne tient compte, par exemple, ni des gains de productivité, ni de l’évolution des structures et des politiques démographiques. Toujours est-il que ces propositions du FMI ont été acceptées par les divers gouvernements nationaux européens, comme par les autorités communautaires.

Des analyses partielles

L’analyse du FMI pêche par sa vision partielle. Non seulement les impacts «  sociaux  » des projets élaborés sont en général très superficiellement envisagés, mais l’analyse détaillée des mécanismes qui ont précipité la crise ne font eux-mêmes l’objet d’aucune étude approfondie. Le rôle trouble des banques centrales et l’incapacité à anticiper les risques économiques ne retiennent guère l’attention… ce qui est compréhensible.

Car la responsabilité du FMI dans le gonflement d’une gigantesque bulle financière ne fait guère de doute  : avant 2008, les déclarations rassurantes avaient fleuri, permettant de masquer le danger et de lâcher la bride aux spéculateurs. Mais l’heure n’était pas encore au «  retour de la gouvernance économique mondiale  », promis par Dominique Strauss-Kahn, le 8 décembre dernier à Genève.

L’impossible démocratisation du FMI

Dans son discours, le président du FMI explique qu’il est temps d’opérer une rupture avec les politiques internationales antérieures, de garantir en somme, sous l’égide du FMI, un «  nouvel équilibre entre la régulation et les marchés  ». Qu’on ne s’y trompe pas  : depuis au moins deux siècles, la bourgeoisie ne cesse d’aspirer à ces «  deux rêves  » (pour citer l’historien Jean-Pierre Hirsch), le laissez-faire et la régulation institutionnelle. En réalité, tout bon capitaliste sait pertinemment qu’il est hors de question de s’en remettre au seul marché, à la main invisible, et autres fariboles.

Rien de neuf sous le soleil  : le ton adopté à présent par le FMI continue de servir les mêmes intérêts que précédemment. Le problème ne se situe pas dans l’alternative entre régulation et libéralisme, mais bien dans la question du contrôle démocratique des activités économiques. Or, Strauss-Kahn ne fait qu’effleurer le sujet, en évoquant le thème de la représentativité. Les réformes du FMI prévoient surtout de mieux intégrer les principales puissances émergentes, telles que la Chine, le Brésil, l’Inde ou la Russie. Il faut avouer que les États-Unis et l’Europe dominaient jusqu’alors sans partage les prises de décision  [2]. Inutile d’être naïf  : les pseudo-innovations qui s’annoncent résultent surtout d’une évolution des rapports de force géopolitiques. Mais il est vain d’en attendre quoi que ce soit. Les élites économiques ou politiques de tous ces pays ont des intérêts communs, qu’ils ne se priveront pas de privilégier, par-delà les concurrences nationales.

Boris (AL Paris Sud)

[1Voir le site du FMI, www.imf.org.

[2La présidence du FMI allant traditionnellement à un Européen, celle de la Banque mondiale à un Américain, dans un partage des pouvoirs soigneusement circonscrit aux puissances occidentales.

 
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