Hôpital public : Ce que veulent les sages-femmes




Les grèves de sages-femmes d’octobre dernier ont été portées par un syndicat corporatiste qui n’a que faire de la santé publique. Son objectif : pousser les sages-femmes à plus de libéralisation. Elles sont pourtant nombreuses à avoir suivi le mouvement.

Des grèves chez les sages-femmes ont éclaté à la fin de l’année dernière. Les sages-femmes ont ras-le bol de leurs conditions de travail. Celles-ci sont infernales, surtout dans les hôpitaux. Toujours plus mises sous pression, elles doivent faire face à une déshumanisation de leur métier, en lien avec le développement de nouvelles technologies, et bien sur avec la libéralisation de l’hôpital. Et pour couronner le tout, leurs salaires ne sont pas plus élevés que ceux des infirmières. C’est donc à la fois d’un manque de considération moral et économique qu’elles souffrent.

Échographies 3D

Pourtant les revendications de cette grève qui dure (les grèves sont plus faciles quand on sait qu’on va être réquisitionnée) ne vont pas toujours dans le sens d’une amélioration de la santé publique. Si toutes les sages-femmes sont d’accord pour avoir plus de reconnaissance et de meilleures conditions de travail, les moyens pour y arriver peuvent diverger. Certaines revendications sont le reflet d’un repli individualiste qui accompagne le mouvement de libéralisation de la santé. Les sages-femmes libérales, et celles qui rêvent de l’être, espèrent y trouver un salut personnel. Mais cette illusion d’un monde où les sages-femmes seraient toutes libérales, telles des médecins, dans les hôpitaux, est celle d’une médecine à deux vitesses. D’un côté, les gens aisés qui seraient prêts à payer des dépassements d’honoraires pour des services aussi inutiles que pointus technologiquement (comme par exemple les échographies en 3D), et de l’autre, des femmes qui n’auraient plus que des maternités-usine dans lesquelles les sages-femmes n’auraient pas le temps de créer la relation nécessaire au bon déroulement d’une grossesse.

Car c’est de cela qu’il s’agit au fond. Lors d’une grossesse, c’est un enfant qui naît. Mais c’est aussi une mère qui naît, et une relation entre les deux, qui a une influence sur le reste de la vie. Prendre en compte les sages-femmes dans l’accompagnement de toute la grossesse, c’est être féministe. C’est reconnaître la place des femmes dans la société et leur droit à être accompagnées dans cette nouvelle vie.

Un statut qui divise

La revendication qui divise le plus, poussée par l’ONSSF (Organisation nationale Syndicats Sages-femmes), le syndicat corporatiste, est celle d’obtenir pour les sages-femmes un statut de praticien hospitalier (comme les médecins). Ce qui apparaît comme une reconnaissance n’est pourtant ni une amélioration de leur salaire, ni une amélioration des conditions de travail en hôpital. Ce n’est pas non plus l’indépendance donnée aux sages-femmes dans leur domaine, la physiologie. Mais c’est bien la disparition du statut de fonctionnaire (et de tous les avantages qui vont avec) et la marche en avant d’une médecine à deux vitesses. En utilisant leurs souffrances au travail, l’ONSSF a réussi à mobiliser un grand nombre de sages-femmes sur ces thèmes, les amenant même à dénigrer violemment les centrales syndicales qui essayaient de donner leur avis. Ce n’est pas anecdotique. C’est une preuve de mépris pour le reste des personnels de l’hôpital et c’est aussi une pente glissante sur laquelle ils se sont avancés.

Les sages-femmes ne profiteront pas de plus de libéralisation. Elles ont besoin de plus de temps et de reconnaissance pour faire leur métier. C’est dans le sens inverse qu’il faut aller : les technologies doivent servir la relation et non pas l’inverse.

Clémence (AL Paris Nord-est)

 
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