Indigné-e-s : Occupy all streets !




Le 15 octobre, le mouvement des Indigné-e-s appelait à une journée mondiale d’action, à l’occasion de l’arrivée de la marche des Indigné-e-s espagnols à Bruxelles. Cet appel a été très suivi en Espagne, en Italie et au Portugal et des mouvements similaires émergent ailleurs... mais pas en France.

Le 15 octobre, en Espagne, pas moins de 800 000 personnes ont défilé au total, dont la moitié à Madrid. En Italie, 200 000 personnes ont participé à la manifestation nationale à Rome. Au Portugal, 100 000 personnes ont défilé à Lisbonne. Ces fortes mobilisations partent de réseaux militants informels issus de luttes contre la précarité, de luttes étudiantes ou de centres sociaux, mais elles réussissent à brasser bien au-delà. Les revendications initiales de ces mouvements mêlaient rupture avec le capitalisme et aménagement de celui-ci, notamment en insistant sur une bonne représentation des exploité-e-s dans les institutions bourgeoises.

Ces contradictions sont actuellement mises de côté : c’est l’opposition aux plans d’austérité drastiques qui touchent ces pays qui met tout le monde d’accord. De ce point de vue, les mouvements des Indigné-e-s participent à une mobilisation plus générale du mouvement social contre l’austérité. Certes, les grandes confédérations syndicales italiennes et espagnoles traînent des pieds, voire accompagnent ouvertement l’austérité, mais cela n’empêche pas des syndicats de base et des salarié-e-s de se mobiliser. Et c’est la convergence entre toutes les formes d’action qui est payante pour organiser la contre-offensive : occupations de place et assemblées générales ouvertes d’un côté, luttes dans les entreprises et convergences entre elles de l’autre. De même, c’est la volonté de convergence entre le mouvement d’occupation des facs et celui contre la construction d’un barrage en pays mapuche qui a permis de réunir 40 000 personnes à Santiago du Chili.

Le mouvement est également en train d’essaimer aux États-Unis. Tout a commencé avec l’occupation de Wall Street, et la mise en avant non pas de revendications sur la représentation politique mais directement sur la redistribution des richesses. Le slogan phare est « nous sommes les 99% », en opposition aux 1% qui détiennent toute la richesse. Les travailleurs et les travailleuses, avec ou sans emploi, sont incités à témoigner des difficultés à boucler les fins de mois. La rapacité de la finance et des entreprises, la collusion entre pouvoirs politiques, médiatiques et financiers est dénoncée.

[*Campements dans cinquante villes*]

Le mouvement a dû faire face à une répression policière féroce, qui a finalement entraîné une solidarité et la mise en place de nouveaux campements dans une cinquantaine de villes au total. De nombreux syndicalistes se sont joints aux manifestations de solidarité et des convergences ont été organisées avec des secteurs en lutte localement.

Un mouvement similaire est en train de démarrer en Angleterre avec l’occupation de la City, le quartier des affaires de Londres, puis d’une dizaine de villes, sur un contenu politique similaire à celui des Indigné-e-s américains. Les occupations appellent à se joindre aux manifestations étudiantes et de salarié-e-s prévues en novembre.

Bref, l’amplification de la crise accélère les clarifications politiques. Les mouvements d’occupation de place sont un élément important de la résistance à l’offensive que mène la bourgeoisie, potentiellement complémentaires aux mobilisations syndicales. Mais pour être complémentaire, encore faut-il ne pas être opposé, et donc accepter des liens avec le mouvement syndical. Une partie de celui-ci est ouvert à la convergence, comme en témoigne par exemple le soutien du Réseau européen des syndicats alternatifs de base [1] aux Indigné-e-s.

C’est précisément cela que n’ont pas compris les Indigné-e-s grecs [2] et français. La répression policière qui s’abat sur elles et eux et la moindre violence de l’austérité en France n’expliquent pas tout. En mettant en avant une identité « asyndicale et apartisane », en interdisant les signes d’appartenance syndicaux et politiques, les Indigné-e-s français hypothèquent toute convergence... ce qui les empêchent de décoller.

Grégoire Mariman (AL Paris Sud)

[1Réseau dont font entre autres partie Solidaires, la CNT, la CGT espagnole et l’USB italienne

[2Voir l’article « Grèce : contre les plans d’austérité » dans AL n°208 de l’été 2011.

 
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